Forces et faiblesses des armements aériens : mitrailleuses légères et canons de 20 mm

Dans ses réflexions annexées à l’ouvrage de Paul Martin, « Invisibles vainqueurs », Yves Michelet, représentant le plus représentatif d’une histoire apologétique de la campagne de France, met en avant la supériorité que le canon Hispano de 20 mm aurait apportée à l’aviation française tant à l’égard des canons Oerlikon armant les avions allemands que des 8 mitrailleuses légères des chasseurs anglais[1]. Pourtant, les déficiences dans l’armement des avions figurent en bonne place parmi les doléances des équipages, comme dans une analyse objective des facteurs ayant affecté l’efficacité de l’Armée de l’Air.

Ces déficiences apparaitront progressivement, en fonction des circonstances: blocage par le gel à haute altitude, retards excessifs dans le fonctionnement des commandes pneumatiques, manque de pouvoir destructeur des projectiles de mitrailleuses légères et dotation en munitions insuffisantes pour les canons de 20 mm. Souvent partagées par d’autres aviations belligérantes, ces déficiences, allons-nous voir, avaient été pour la plupart identifiées avant-guerre et des solutions  avaient été proposées pour y remédier. Étudiées trop tard, développées trop lentement du fait de l’inertie de certains acteurs et du manque de moyens, elles ne pourront bénéficier à l’Armé de l’Air dans les combats de la Campagne de France.

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Programmes et études de l’après-guerre

Dès la fin de la Grande Guerre, les programmes envisagent tout le spectre des armes pour avions : mitrailleuses légères ou lourdes, mais aussi canons de petit, voire de moyen calibre.

Daté du 28 Décembre 1921, un « programme d’études de mitrailleuses d’avion » trace les orientations pour la décennie à venir. Il prévoit, tant comme arme de tourelle que comme arme fixe de capot ou d’ailes, « une arme de petit calibre (de 7 à 8 mm) et une arme de gros calibre (de 10 à 13mm)[2]. Pour l’arme de petit calibre, en attendant l’adoption d’une cartouche réglementaire française à gorge, les armes présentées pourront tirer une munition étrangère, de préférence la cartouche américaine. Précision lourde de conséquences pour l’avenir par la préférence exprimée sur le mode d’alimentation: « l’alimentation de l’arme sera faite par bande ou maillons détachables ou de préférence par chargeurs à grande capacité ». Les armes de tourelle devront être présentées par deux sur un dispositif de jumelage. Pour les armes de capot, en revanche, « l’alimentation devra se faire par bandes, de préférences par maillons détachables, ce qui permet d’avoir une forte disponibilité de cartouches. En principe, il n’y a pas lieu d’envisager, pour les armes de capot, l’alimentation par chargeur qui ne présenterait pas les mêmes avantages ». Le dispositif de synchronisation, en vue du tir à travers l’hélice, devra réduire autant que possible le délai entre déclenchement du tir et percussion de la cartouche.

Alors que l’Armée de l’Air se situe en pointe par l’adoption pour l’armement de ses chasseurs du moteur canon, complété par 2 mitrailleuses légères, la Royal Air Force apporte une réponse bien différente à la nécessaire adaptation de cet armement à l’évolution rapide des performances. Lors d’une conférence à l’Air Ministry, en juillet 1934, un armement de 8 mitrailleuses avait été préconisé comme nécessaire pour assurer la destruction d’un bombardier par une rafale de 2 secondes, une durée plus longue d’un tir efficace devenant improbable du fait des performances atteintes ou prévisibles des avions modernes[3]. Il faudra 2 ans pour que la préconisation de 8 mitrailleuses placées dans les ailes devienne impérative, ce qui explique que le Hurricane ait été dessiné pour recevoir 2 mitrailleuses de capot, qui ne seront jamais montées, mais dont la prévision aura affecté la silhouette de l’appareil[4]. La Mitrailleuse Browning, au calibre anglais de 7.7 mm, était retenue pour cet équipement, sa licence de fabrication achetée en Juillet 1935, et sa mise en production en grande série entreprise rapidement.

Contrairement à l’option prise outre-Manche, la doctrine française repose sur la coexistence, et la complémentarité, des mitrailleuses légères et des canons d’aviation, écartant le recours un moment envisagé aux mitrailleuses « de gros calibre ». 

Les mitrailleuses de petit calibre

Les mitrailleuses réglementaires françaises de 1914, Saint-Étienne puis Hotchkisss, ne se prêtant pas au montage sur avion, ce sont deux mitrailleuses anglaises qui avaient équipé pour l’essentiel l’aviation française de la Grande Guerre : la Lewis comme arme mobile et la Vickers comme arme fixe, toutes deux du calibre anglais de 0.303 pouce, soit 7.7 mm.

Mitrailleuse d’avion standard de 1916 à 1930, la Vickers d’origine anglaise, source: Lombard, La Manufacture

Conformément au programme précité, de nouvelles armes ont été développées par les manufactures nationales. Toutefois, c’est la mitrailleuse proposée par un armurier privé qui a été retenue comme solution de transition.

La mitrailleuse Darne, une occasion manquée ?

Comme on dispose d’un stock important de Vickers neuves hérité des fabrications de guerre, la mise au point d’une mitrailleuse légère d’aviation ne présente aucun caractère d’urgence, ce qui peut expliquer la lenteur de mise au point de la mitrailleuse Darne, apparue dès 1918.

Régis Darne, dans les années 1930, source: Site lamontagne.fr

Construites par un armurier de Saint-Étienne, réputé pour ses fusils de chasse de prestige, les mitrailleuses Darne continuent à faire débat. De conception moderne, autorisant une fabrication à très bon marché et de ce fait largement exportées, ces armes semblent avoir présenté cependant un manque récurrent de fiabilité et de robustesse qui devaient limiter leur rôle dans l’Armée de l’Air à celui d’une solution de transition. Le 10 juillet 1918, le « Directeur des Inventions, études et expériences techniques» fait connaître au ministre de l’Armement : « Monsieur Darne, industriel à Saint-Étienne, a mis au point une mitrailleuse de 7.7 tirant la cartouche anglaise et destinée aux services de l’Aviation. La caractéristique principale de l’arme est la cadence très rapide de son tir qui a atteint 1200 coups à la minute au cours des essais qui ont eu lieu en présence des représentants de la Section Technique »[5].

La Darne de 1918, en calibre anglais .303, source: Chinn, The Machine Gun

Les efforts de Darne sont alors orientés vers la production d’une mitrailleuse d’infanterie qui sera évaluée dans les essais comparatifs qui devaient en 1923-1924 aboutir au choix du FM de Châtellerault, futur mle 24-29. La conclusion d’un essai effectué à Versailles en 1924 dénote bien l’impression donnée par la Darne : « la commission estime que la mitrailleuse Darne est  de conception ingénieuse mais de réalisation encore très défectueuse». Par rapport aux modèles de Châtellerault, la Darne présente l’avantage d’une alimentation par bande métallique à maillons perdus, analogue au système Browning et de recevoir rapidement un système de synchronisation permettant le tir à travers l’hélice. Darne devait aussi apporter une réponse rapide à une arme allemande, dans laquelle l’aviation impériale avait placé ses derniers espoirs de retrouver la supériorité aérienne en 1918, la mitrailleuse Gast. Peu d’exemplaires devaient sortir avant l’armistice, et l’existence de cette arme fut cachée aux alliés jusqu’à la découverte de 25 exemplaires à Königsberg dans un contrôle de routine en 1921[6]. Constituée du montage, particulièrement compact, de deux tubes et mécanismes avec crosse et détente unique, capable d’une cadence de 1800c/mn, la mitrailleuse Gast surclassait largement les montages Vickers alors standard dans les aviations alliées. Tout en estimant que  « la mitrailleuse Gast marque une étape dans l’histoire des armes d’aviation», la Commission de Versailles estime préférable le montage de deux armes indépendantes, de sorte qu’en cas d’enrayage de l’une, l’autre continue à fonctionner[7]. Le montage double proposé par Darne répondait à ce critère, tout en assurant une cadence supérieure à celle du dispositif allemand.

La mitrailleuse double Gast de 1918, source : Chinn

En 1927, un rapport du général Challéat soulignait un grave défaut de la mitrailleuse Darne, qui ne devait guère être corrigé du fait des modifications multiples apportées à l’arme : « demandée depuis 9 ans, l’interchangeabilité n’a jamais été réalisée de manière satisfaisante »[8]. Faisant l’objet d’améliorations progressives, la mitrailleuse Darne fut finalement considérée comme acceptable, lorsque l’Armée de l’Air adopta le calibre de 7.5 mm prévu dès 1924 comme nouveau calibre réglementaire. Le modèle 1933 vint ainsi remplacer des jumelages de Lewis comme arme défensive des avions de bombardement et des Vickers comme arme d’aile, ou synchronisée, de chasseurs. Il ne devait s’agir que d’une solution de transition. Rapidement abandonnées par l’Armée de l’Air au profit de la MAC mle 34 de Châtellerault, les Darne devaient être stockées ou cédées à la Marine dont elles équipaient les appareils en 1940. On trouve une trace symbolique de cette évolution sur la fiche programme des chasseurs de 1934 qui, faisant d’abord état d’un armement avec des Darne, porte parmi les corrections apportées le 17 décembre 1934 la mention manuscrite « ou Châtellerault »[9].

Rectificatif du 17 décembre 1934 : « ou Chatellerault », cf Joanne, p. 25.

La mitrailleuse Darne avait satisfait en 1935 aux premiers tests du concours organisé par la RAF, mais échoué aux essais approfondis. En France des essais d’endurance sont poursuivis pour évaluer la tenue des armes en service. Un rapport du 27 juillet 1938 fait état d’incidents de tir dûs à de nombreuses ruptures ou déformations de pièces : « les pièces non modifiées ne résistent pas au tir » et des pièces renforcées, établies à la demande de l’aviation yougoslave, manquent de mise au point[10]. L’expérience de l’aéronavale, qui avait récupéré les Darne déclassées par l’Armée de l’Air devait confirmer ces défaillances : « leur fonctionnement était erratique au point que nous avions renoncé à espérer en tirer mieux que les 10 ou 12 premiers coups avant l’enrayage irrémédiable en vol », devait écrire l’amiral Mesny au sujet des Darne montées comme armement fixe sur les Vought 156, et donc ne pouvant être réarmées manuellement[11]. Il est intéressant de noter que l’Armée de l’Air, pour improviser une défense de ces bases aériennes, va remettre en services deux milliers de mitrailleuses Vickers de 7.7 mm plutôt que de puiser dans son stock de Darne, pourtant plus récentes et en principe mieux alimentés, par bandes.

Photo célèbre d’une Darne sur Vought de l’Aéronavale, source: Cuny et Danel

C’est essentiellement à l’exportation que les Établissements Darne vendront les 11000 exemplaires produits entre 1921 et 1939. Le prix exceptionnellement bas -700 francs l’unité au début des années 1930- tenait à une conception très moderne et de fabrication simple, avec en particulier des pièces en tôle emboutie qui anticipaient sur la technique de fabrication des MG42 et AA52. Pour Jean Huon, dans un ouvrage de 1979, représentatif d’un avis qui a longtemps prévalu dans la littérature, « souvent critiquées à tort en raison de leur rusticité, ces engins présentaient de nombreuses qualités (faible encombrement, simplicité, fonctionnement excellent, arme économique) que pourraient leur envier bien des armes contemporaines»[12]. Ce point de vue, très présent dans l’historiographie, faisait peu de cas des observations de l’époque et le récent ouvrage de Huon et Barrelier, dressant un état des multiples difficultés rencontrées lors des essais par les commissions d’expérience, se montre, pour le moins, nuancé et souvent critique.

Le jugement louangeur courant dans l’historiographie française s’applique, sans doute, à la mitrailleuse Darne telle qu’elle aurait pu, ou aurait dû, être. Le véritable échec de ces armes tient au fait qu’en près de 20 ans de développement, par défaut de lucidité, d’application et de continuité, mais surtout de moyens, on n’ait jamais réalisé les renforcements et mises au point qui auraient assuré fiabilité et endurance à ces matériels de conception fondamentalement saine. Il est touchant de voir Régis Darne s’attacher à résoudre un à un tous les problèmes révélés par les essais, y compris en intervenant à la lime pour retoucher un extracteur défectueux[13]. Dès 1918, les services ministériels ont placé, de facto, Darne sous la tutelle de la MAS –la Manufacture d’armes de Saint-Etienne voisine. Il est clair que les directeurs successifs de la MAS, voyant en Darne un concurrent plus qu’une autre entreprise concourant à l’armement des armées françaises, a multiplié les objections plus que les contributions à la résolution des problèmes rencontrés. Comble de ce processus non-coopératif, relatent Huon et Barrelier, la MAS, sans tenir compte des brevets, entreprend en 1923 la réalisation d’une « mitrailleuse Darne améliorée », puis d’une mitrailleuse double, comme la Gast, utilisant deux mécanismes de Darne : les deux projets devaient s’avérer des échecs[14].

De plus, malgré les 11 000 exemplaires produits, l’outil industriel de Darne était profondément inadapté au type de construction de ces mitrailleuses. Faute de machines de précision, il est typique qu’un défaut persistant ait résidé dans un manque d’interchangeabilité des pièces. Il y avait, nous semble-t-il, un décalage entre la conception moderne de ces matériels et la culture d’une entreprise tournée vers une production certes de qualité, mais artisanale. Un regard américain sur les Etablissements Darne nous parait éclairant: « la caractéristique la plus flagrante de cette usine résidait dans ses machines démodées et les locaux étriqués et mal éclairés dans lesquels travaillaient ses 400 ouvriers»[15]. Loin d’affecter seulement l’aviation, l’incapacité à valoriser ce système d’armes a aussi contribué à priver l’armée de terre de la modernisation, et de l’unification de calibre de ses armes, qui s’imposaient.

Les mitrailleuses MAC et Browning

Le 22 décembre 1926, le colonel Reibel, de la MAC -Manufacture d’Armes de Chatellerault- présentait une mitrailleuse de 7.5 d’aviation, dérivant d’une mitrailleuse pour char, elle-même adaptée du FM mle 1924. Caractérisée par un énorme chargeur tambour de 1000 cartouches, pesant 40 kg, elle atteignait une cadence de 1000 coups/minute, mais n’était pas au point pour une adoption en l’état[16]. Reprise en 1931 comme arme de chars et de fortification, adaptée à la cartouche de 7,5 mm raccourcie en 1929, la mitrailleuse MAC à nouveau modifiée est adoptée en 1934 comme arme d’aviation à monter en tourelle ou dans les ailes. Par l’introduction d’un dispositif accélérateur, la MAC 34 voit sa cadence portée à 1200 coups/minute.  

L’arme nue pèse 8,9kg, le chargeur, type aile, de 300 cartouches, pèse 5,4 kg à vide, 12 kg à plein. La MAC produira aussi un chargeur de 500 cartouches, pesant 6,9 kg à vide et 19,2 kg à plein. La mitrailleur type tourelle reçoit un chargeur camembert, plus maniable, de 100 cartouches. Construite dans ses deux versions, la MAC 1934 relèvera les Vickers et Darne à partir de 1936.

Organisation du chargeur de 300 coups, source: J. Moulin, Avions de la Guerre d’Algérie

Fait peu connu, l’intérêt pour la mitrailleuse américaine Browning, adaptée par  la FN d’Herstall au calibre français de 7.5 mm, a précédé le besoin d’équipement des avions importés des USA. En Mars 1935, « le Comité du Matériel, à l’unanimité, propose l’achat de 200 mitrailleuses Browning de 7.5 mm »[17]. On peut y voir un problème de soudure, entre la Darne en voie d’abandon et la MAC 1934 encore au stade de mise au point. En fait, à l’exception d’essais divers, on ne trouve pas de traces d’utilisation de ces mitrailleuses, dont les dernières ont été livrées en 1937. C’est cette même année 1935 que la Browning est adoptée par la RAF.

La Browning, ici en calibre anglais .303, était l’arme des Spitfire et des Hurricane, source: Goulding

Dans la doctrine française, avons-nous vu, les mitrailleuses de petit calibre devaient faire place à des canons automatiques adaptés au montage sur avions.

 Les canons d’aviation

Divers canons de 37 mm ont été montés sur avion pendant la Grande Guerre, en particulier en France où Marc Birkigt, directeur technique d’Hispano-Suiza, avait mis au point le principe du moteur-canon. Malgré de premiers succès, il apparut que ces armes trop lourdes, limitées en cadence de tir et en approvisionnement, étaient dominées pour le combat aérien par les mitrailleuses légères.

En Novembre 1923, la Commission de Versailles est chargée « de déterminer les effets destructeurs sur des éléments d’avion de projectiles simplifiés de 20, 25 et 30 mm de calibre»[18]. L’objectif recherché étant de provoquer la chute de l’appareil adverse quel que soit le point où se produit l’explosion, « le calibre de 20 mm est nettement insuffisant pour ce résultat, il doit être écarté…l’obus de 25 mm à grande capacité donne des résultats intéressants, mais son efficacité semble insuffisante… ». Le calibre de 30 mm apparait comme minimum pour obtenir les effets désirés, « mais, en raison de l’intérêt qui s’attache pour une arme tirant en mitrailleuse, à savoir un calibre aussi faible que possible, il parait intéressant de poursuivre les études avec le calibre de 30 mm en essayant des obus ayant une charge d’explosif aussi forte que possible».

Les canons Hispano de 20 mm

La perspective de voir se généraliser le blindage des appareils conduisit l’aviation allemande à s’intéresser à un canon de 20 mm développé par Reinhold Becker. Construit trop tardivement pour entrer en service avant l’armistice, cette pièce dont le développement fut transféré en Suisse à la SEMAG, puis à la Société Oerlikon,  devait constituer le standard des canons d’aviation pour les 25 années à venir. En 1935, Oerlikon offrait à l’exportation une gamme de modèles, du type F, léger mais à la puissance limitée par une vitesse initiale modeste (550 m/s), au type S, plus lourd, mais beaucoup plus puissant.

Etude allemande de montage d’un 20FF dans l’épaisseur de l’aile, source: via Aerodigest, janvier 1936

 Tandis que l’Allemagne adoptait le type FF, développement du modèle léger, Hispano Suiza  produisait sous licence sous l’appellation de type 9 le modèle S plus puissant, tout en engageant l’étude d’un modèle perfectionné. L’objectif de Birkigt n’était pas seulement d’améliorer les performances, mais surtout de s’affranchir des brevets Oerlikon et donc du paiement de redevances. Ceci explique que l’Hispano 404 ait comporté un mécanisme bien différent, en particulier de fermeture de la culasse. Cette tentative s’avéra un succès puisque le HS 404 devait évincer l’Oerlikon comme canon embarqué, cantonnant ce dernier au rôle antiaérien où il devait connaître une très large diffusion.

Le moteur canon HS12X, qui recevra le canon HS9, licence de l’Oerlikon, source: Lage, Hispano-Suiza in Aeronautics

Les HS 9 équipèrent d’abord les chasseurs Dewoitine 501, à moteur 12X, et 510, à moteur 12Y, puis les Morane 406 de début de série. Le HS 404 tarda à le remplacer en raison de retards de mise au point affectant tant l’arme que sa munition. En Octobre 1937, les essais sont même « suspendus, du fait de la très mauvaise qualité de la munition »[19]

Des difficultés persistantes

Il est significatif que l’on considérait, en 1938 encore, cette arme comme trop ambitieuse et qu’une réduction de la vitesse initiale des projectiles était suggérée pour assurer la sortie « de canons et de cartouches d’un bon modèle dès Janvier 1939 »[20]. Rétrospectivement, cette proposition ne manque pas de pertinence. Les développements anglais de l’Hispano sont allés dans ce sens, comme d’ailleurs le compromis adopté en Allemagne pour le MG 151/20. Une note au ministre du 27 Janvier 1939 estimait, suite à des essais menés à Satory, que « le canon, tel qu’il est présenté, ne peut être mis en service. Dès les premiers tirs dans les formations, les compte-rendu relèveraient la simple comparaison avec le type 9 qui, lui, donne présentement satisfaction. Le canon devra donc fatalement subir, qu’il ait ou non été livré à l’Air, la mise au point que la Maison Hispano s’est avérée incapable de faire, malgré promesses, engagements…et retards »[21].

En Novembre1939, la commission mixte Ministère de l’Air-Ministère de l’Armement note que « des incidents récents exigent que l’étude poussée du fonctionnement de l’arme soit poursuivie par l’ETVS de Versailles». En Janvier 1940 encore, cet établissement conclut que « le canon HS 404 semble devoir être amélioré en ce qui concerne sa sûreté de fonctionnement et sa sécurité d’emploi », les solutions préconisées ne soulevant d’ailleurs pas de difficultés majeures. Le 8 Mai, à deux jours de l’offensive allemande, suite à des incidents de tir au GC I/2, « après examen sur place, les experts du Centre de Cazaux et de la Maison Hispano proposent de faire exécuter pas un spécialiste de la Maison Hispano une augmentation du diamètre de l’évent de 175 à 180 centièmes. Le Service Technique consulté par téléphone propose la mesure transitoire suivante : exécuter à titre d’essais, et sous la responsabilité du fabriquant, l’augmentation de l’évent sur quelques avions seulement. Sur les autres avions, réduire l’approvisionnement du chargeur à 45 cartouches. Suit l’accord pour la mise à exécution immédiate de la solution du Service technique : moitié des avions avec augmentation de l’évent, moitié avec réduction de l’approvisionnement du chargeur. Généraliser l’augmentation de l’évent à tous les avions avec chargeur à 55 cartouches si cette mesure se montre efficace »[22]. On mesure le désarroi qu’aurait entrainé dans la bataille déclenchée le surlendemain cette réduction d’un approvisionnement en munitions, déjà  unanimement dénoncé comme insuffisant. Les MG FF de la Luftwaffe devaient connaître un problème semblable, les chargeurs de 60 obus n’étant fréquemment chargés que de 55 obus sur les Bf 109E3 de la Bataille d’Angleterre, pour réduire les incidents d’alimentation[23].  

Divers observateurs considéraient alors que le 404 avait été imposé à l’Armée de l’Air prématurément, sans mise au point suffisante. Hispano ayant refusé d’approvisionner la fabrication du HS9, force était de commander le nouveau modèle, il est vrai plus prometteur, mais permettant surtout d’éviter de verser des redevances à Oerlikon[24].

Malgré les qualités balistiques de l’obus de 20 mm, son efficacité s’est trouvée réduite du fait d’une fusée trop sensible, l’obus éclatant à l’impact en de multiples éclats. Un pilote ayant pu toucher un He 111 se lamentait ainsi : « le pire fut pour moi de voir les petites flammes d’arrivée de mes obus sur le moteur gauche d’un 111, et son hélice continuer à tourner tranquillement. Nos canons étaient approvisionnés avec des obus à fusée trop sensible, et explosaient au premier contact »[25]. Signalé tardivement par divers groupes de chasse, cet inconvénient a été noté par la RAF à l’occasion d’un premier emploi expérimental sur Hurricane. « Un Do 17 abattu portait les traces d’un grand nombre de balles et de 10 obus […] On a observé que les obus qui éclatent en nombreux petits éclats étaient d’un effet réduit»[26]. Les nouveaux obus   à grande capacité d’explosifs de la Luftwaffe devaient présenter le même défaut : « l’efficacité des M-Geschoss-obus à grande capacité d’explosifs- était quelque peu réduite par la rapidité de sa fusée qui détonait instantanément plutôt qu’après avoir pénétré la structure de l’appareil »[27].

 Fait peu connu, une expérience involontaire allait permettre d’étudier les effets de l’obus de 20mm. Un Bloch 131 du GR I/36, attaqué par erreur par un Morane 406, s’écrasait à l’atterrissage avec des dégâts limités, autorisant un examen approfondi des impacts de 20mm et de leurs effets. « L’avion Bloch 131 atteint par 5 obus dont 3 intéressent les parties vives de l’empennage, n’a pas été désemparé et a pu rejoindre son terrain où, s’il n’avait été contraint de virer dans des conditions défavorables, il aurait atterri normalement »[28]. Dans son avis, le général Gambier, Inspecteur Technique aux Armées, n’identifie pas le problème, mais donne un bon exemple de rédaction administrative : « l’examen de l’avion Bloch 131 n’apporte pas des confirmations évidentes de l’efficacité des obus. Le tir a été précis, puisqu’on relève 5 impacts d’obus. Un tir analogue effectué avec un avion armé de 8 mitrailleuses donnerait, en tenant compte de la cadence de tir, environ 80 impacts de balles, et aurait produit certainement des dégâts beaucoup plus importants ».

Preuve d’une réactivité certaine à un constat malheureusement tardif, une fusée moins sensible est rapidement dessinée et mise en fabrication. Lors d’une réunion de la Liaison Air-Armement le 22 Avril 1940, il est ainsi pris acte que « le nouveau plan prévoit une proportion de 50% [d’obus à fusée insensible]. Des dispositions ont été prises et 100 000 obus à fusée insensible seront expédiés sur l’avant, même sans réception, à partir du 22 avril »[29], la dernière procédure atteste du caractère d’urgence que pouvait revêtir cette mesure !

On a bien oublié que cette forte sensibilité était perçue comme un impératif d’efficacité, bien documentée dans le cas de la DCA. La portée utile du canon de 25, ou de 20, est limitée par la vitesse restante nécessaire pour entraîner l’éclatement. La fusée standard de l’obus de 25 mm exige ainsi une vitesse restante de 420 m/s, ce qui donne une portée utile de 2400m. Si l’on tire sur un avion s’éloignant à 125 m/s, réduisant d’autant la vitesse relative, cette portée n’est plus que de 1000 mètres[30]. On trouve donc préconisée la fabrication de fusées plus sensibles, déclenchant à 300, voire 250 m/s. L’erreur manifeste d’appréciation nous est révélée par le commentaire suivant, s’appliquant à l’obus de 25 précité : « dans certains cas, en particulier lorsque les projectiles rencontrent des pièces métalliques, ils explosent pour des vitesses de choc inférieures à 420 m/s ». Ainsi, la sensibilité excessive des fusées d’obus tient à la recherche d’efficacité contre des avions entoilés. Le 12 Mai 1940, l’éventualité que l’obus rencontre une pièce métallique relève encore de « certains cas », et non de la norme !

Alors que l’on s’orientait en 1923 vers des canons plus puissants, d’au moins 30 mm, les travaux dans ce sens, menés sans conviction sur des calibres de 33 et de 37 mm, ne débouchèrent pas sur des résultats exploitables. Deux pièces pouvaient cependant répondre en 1940 au besoin d’une arme puissante, notamment pour un usage antichar. Disponible, le canon Hotchkisss de 25 mm, prévu sur certaines versions du Breguet 693, se voit principalement reproché, lors de ses essais en Novembre 1939, son faible approvisionnement en munitions, le Centre d’essais de Cazaux notant cependant que « son emploi ne pourrait être envisagé que contre des objectifs capables de résister aux canons de 20 (chars d’assaut, avions fortement blindés…) »[31]. Quant au canon Hispano HS 407 de 23 mm, seuls les moyens techniques limités d’Hispano ont retardé la mise au point de cette pièce, définie dès 1936 et dont les essais paraissaient déboucher au printemps 1940. Cette arme était remarquable par la grande puissance de ses obus d’environ 210 grammes tirés à 900 m/s et à la cadence de 580 c/min, contre 380 pour le 25 mm. La vente à l’URSS des plans du canon de 23 dans le cadre de la coopération technique et stratégique souhaitée par Pierre Cot, dénoncée par Henri de Kérillis dans l’Echo de Paris, devait faire scandale: elle est sans doute à l’origine de l’adoption de ce calibre pour certaines des armes les plus performantes de l’aviation et de la DCA soviétiques. Le canon Hispano de 23 mm présentait un grand intérêt comme arme antiaérienne et nous le retrouverons régulièrement évoqué comme un complément ou un successeur du canon Hotchkiss de 25mm.

Un destin anglo-américain pour le canon Hispano

Les problèmes rencontrés pour sa mise au point n’empêchaient pas le nouveau canon Hispano de susciter un intérêt considérable à l’étranger. La RAF avait émis le 15février1936 la spécification F37/35 pour un chasseur armé de 4 canons de 20 mm[32].  Une démonstration de tir à 700 c/m par un prototype de l’Hispano en 1936 impressionna fortement deux officiers anglais qui avaient eu le privilège d’en être témoins. Confirmé dans son intérêt par le succès de premiers essais conduits en Angleterre en 1937, l’Air Ministry passe un contrat avec Hispano en vue de la constitution d’une filiale anglaise chargée de la construction du HS 404, au nom sibyllin de British MARC –pour MAnufacturing and Research Company. Compte tenu des problèmes d’industrialisation rencontrés en France, il est intéressant de noter que, alors qu’une usine très rapidement construite est inaugurée en Janvier 1939, le Duc de Gloucester tirant symboliquement le premier exemplaire fabriqué outre-manche[33], le rythme de sortie des armes, et les débuts de leur emploi opérationnel devaient s’avérer décevants. Ecartant les propositions faites par Hawker en avril 1936, d’un Hurricane armé de 4 canons de 20 mm[34], l’Air Ministry avait retenu le bimoteur Whirlwind pour répondre à son programme de 1935 d’un chasseur monoplace portant cet armement. Premier utilisateur prévu des HS 404, le Whirwind ne devait être construit qu’à 112 exemplaires entre juin 1940 et janvier 1942, utilisés sans conviction à des missions d’escorte et d’attaque en Europe.

Dans le nez du Whirlwind, 4 canons Hispano de 20 avec leur volumineux chargeurs, source: Goulding, Interceptor

On peut imaginer les ravages qu’aurait pu causer la puissance de feu de leurs 4 pièces concentrées sur les routes libyennes parcourues par des convois de l’Afrika Korps. Sur le Whirlwind, les HS 404 étaient alimentés par les mêmes chargeurs de 60 obus qui avaient montré leurs limites sur les avions français. Le montage de 2 canons HS 404 sur Spitfire IB, affectés au 19e squadron du Fighter command en juillet 1940 devaient connaître un échec complet. L’aile mince de l’appareil manquait de rigidité et, surtout, le logement du volumineux chargeur avait imposé de coucher sur le côté l’arme qui, de ce fait, s’enrayait systématiquement. Ces problèmes seront progressivement résolus à l’automne 1940 sur des Spitfire II B à deux canons reprenant le système MAC à alimentation continue. Le canon lui-même sera amélioré pour en accroitre la cadence et en réduire la longueur, donc le poids, donnant le MkV qui équipera les Tempest puis Vampire.

Le destin américain du HS 404 est paradoxal. Engagées en 1938, les négociations pour une production sous licence par Bendix n’aboutissent qu’en Décembre 1939, en raison des exigences financières d’Hispano, jugées excessives par les Américains. Malgré de multiples modifications, les dérivés américains de l’Hispano ne parviendront pas, contrairement aux dérivés anglais, à corriger les défauts de fiabilité de l’arme française. Faute donc d’une fiabilité comparable à celle des mitrailleuses Browning, les canons de 20 mm ne devaient équiper qu’un nombre relativement limité d’appareils de l’Army Air Corps, P38, Bell P39 et 63, mais bénéficient d’un accueil plus favorable de la part de la Navy. L’utilisation de l’Hispano 404 et de ses dérivés par les forces armées américaines devait rester loin de leur production. Finalement, sur 134 000 exemplaires sortis d’usine entre 1941 et février 1944, 13 000 seulement avaient été réceptionnés par l’Air Corps et 21 000 par l’US Navy, 44 500 livrés aux alliés -essentiellement l’URSS- et 55 000 stockés, sans perspective d’utilisation ultérieure[35].

Des problèmes majeurs, identifiés mais résolus trop tard

Qu’il s’agisse des mitrailleuses MAC de 7,5 ou des canons Hispano de 20 mm, les armes dont disposait l’aviation française de 1940 présentaient des performances équivalentes, voire parfois supérieures, à celles des aviations adverses ou alliés. L’armement de nos avions souffrait cependant de deux handicaps, bien identifiés avant-guerre, mais dont la correction, engagée trop tard et trop mollement, parfois entravée par des acteurs majeurs du système militaro-industriel, ne devait pas intervenir à temps, laissant subsister des délais pénalisant de déclenchement du tir et une capacité insuffisante en munitions.

La question de l’alimentation continue

Les mitrailleuses MAC, équipement standard après l’abandon des Darne en 1935, étaient alimentées par de volumineux chargeurs de 300 ou 500 coups. Par son encombrement, ce dispositif ne pouvait tenir dans l’aile d’un chasseur et soit le chargeur, soit l’arme elle-même, faisait saillie. En pratique, la capacité était limitée à 300 cartouches. L’ensemble devait pivoter pour être alimenté et, l’articulation prenant du jeu, le tir des mitrailleuses devenait excessivement dispersé[36]. Les défauts de ce système, qui limitait à 60 obus la dotation en munitions des canons de 20 mm, étaient connus, et l’alimentation par chargeurs aurait pu et dû être remplacée en temps utile. 

L’encombrant chargeur de la MAC dans l’aile du Morane 406, source: Notice d’époque, via Comas & alii

Renversant la priorité retenue dans le programme de 1921, le programme de matériel d’armement de 1936 indiquait, au titre des dispositions communes à toutes les armes : « l’alimentation se fera par bandes à maillons détachables ou chargeurs »[37]. Dès le 1er Février 1936, le Directeur des Fabrications d’Armement demande à la MAC, « le rendement d’une mitrailleuse à chargeur étant extrêmement faible pour l’aviation », d’étudier « l’adaptation de la mitrailleuse actuelle au tir en alimentation continue»[38]. Selon l’état d’avancement des études d’armement de Janvier 1938, « le programme d’octobre 1936 prescrit de poursuivre l’étude de l’alimentation continue de la mitrailleuse MAC 1934. Deux solutions sont à l’étude : une nouvelle mitrailleuse ou une transformation de la mitrailleuse à chargeurs », mais, constate le commandant De Briey, rapporteur, « l’étude de la MAC de 7.5 à bande qui devait être entreprise dès approbation des états de prévision correspondants n’était pas commencée fin Décembre 1937 ». Comme dans un cas d’école, on a l’occasion de voir se cumuler les facteurs de retards bureaucratiques et organisationnels. Opposant pour le moins de l’inertie aux demandes ministérielles, la Manufacture de Châtellerault signalait que « l’étude relative à l’adaptation de l’alimentation continue à la mitrailleuse de 7.5 mle 34 était abandonnée et donc qu’elle ne figurerait plus sur l’état trimestriel des questions à l’étude ». L’argument avancé par la MAC mérite d’être relevé : « l’adaptation de la mitrailleuse mle 1934, arme à chargeur, à l’alimentation continue conduirait d’abord à la modifier pour en faire une arme à bande. Elle constituerait un problème dont la solution présenterait, sinon des impossibilités, du moins de bien plus grandes difficultés que l’étude d’une arme nouvelle, spécialement conçue pour l’alimentation par bande»[39]. Il est bien plus valorisant de concevoir une nouvelle mitrailleuse, et il est normal que cela prenne du temps ! Loin de se satisfaire de cet avis, la DFA confirme la requête du département de l’Air de voir cette étude se poursuivre et demande à la MAC un exposé détaillé des solutions envisagées, indiquant leurs avantages et inconvénients respectifs. Le 16 Juin 1938, la DFA doit à nouveau prier la MAC de reprendre l’étude en précisant : «  Je crois devoir souligner que l’intérêt de cette solution [adaptation plutôt qu’arme nouvelle] réside tout entier dans une réalisation très rapide des premiers prototypes».

Vu la défaillance de la MAC, le commandant de Briey, en collaboration avec la maison Blanchet, établit « l’avant-projet d’un dispositif qui, utilisant la bande Browning, serait susceptible de se substituer instantanément au chargeur de 100 cartouches et ne nécessiterait sur l’arme que des modifications restreintes au piston et au cylindre à gaz avec utilisation de pièces existantes. Un marché de prototype est en préparation »[40]. Alors qu’en Janvier, « la Manufacture d’armes de Paris [filiale de la FN d’Herstal] qui a étudié la question déclare qu’elle a une solution mais qu’elle ne veut pas la présenter», l’ETVS de Versailles est consulté en juillet sur le programme des essais auxquels doit être soumise une MAC 34 modifiée par la FN et alimentée par bande à maillons détachables. Résultat des injonctions ministérielles, ou plus vraisemblablement de la menace de voir adopter la solution proposée par la FN, la MAC s’investit enfin activement sur la question et c’est finalement en janvier 1939 que l’ETVS reçoit deux premiers prototypes d’une MAC 34 adaptée à l’alimentation par bande. Après quelques mois de mise au point délicate du couloir d’alimentation, la commission d’essais conclut en Juillet que « l’arme présentée par la MAC a fait preuve, dans la limite des essais effectués, d’une sûreté de fonctionnement très satisfaisante», permettant même une cadence remarquable de 1350 c/min, ce qui ouvrait la voie à son adoption comme arme réglementaire. De plus, ce dispositif permettait de passer très facilement des maillons Darne aux maillons Browning, qui sont trouvés de fiabilité comparables et sont donc retenus tous deux pour la production en série. Les deux types de maillons n’utilisaient cependant pas la même pièce de connexion à la mitrailleuse, et leur coexistence était pénalisante. Ce choix, bien peu rationnel au regard des exigences d’organisation et de logistique, était justifié par la mobilisation de différentes sociétés productrices dont la concentration sur un type de maillons unique aurait entrainé des retards inacceptables.

La première MAC à alimentation continue, source: CAAC

On pourra après-guerre saluer la compétence de la MAC, en omettant le véritable comportement d’obstruction qui aura fait perdre plus d’une année à l’élaboration d’une solution, un délai précieux dans cette période où chaque mois comptait. Peut-être plus grave que ses conséquences directes, ce retard devait se répercuter sur la mise au point d’une alimentation continue pour les canons de 20 mm, privant les chasseurs français d’un atout majeur dans les combats de juin 1940.

Principal défaut handicapant l’efficacité du canon HS 404 au combat, comme d’ailleurs des Oerlikon montés sur les chasseurs Messerschmitt, son chargeur de 60 cartouches lui assurant seulement 6 à 8 secondes de tir effectif. Brièvement envisagé, un chargeur de capacité supérieure butait sur l’obstacle d’un encombrement excessif. La solution résidait dans un dispositif d’alimentation continue par bandes. En octobre 1937, le Service de l’armement aérien fait état de diverses études de dispositifs assurant une alimentation à 120 obus. C’est finalement un dispositif conçu par la MAC qui est adopté début 1940, sans pouvoir être monté sur des appareils produits avant l’armistice. En revanche, ce dispositif devait équiper tous les avions armés de canons Hispano de 20 mm construits en Angleterre et aux États-Unis, à l’exception des Whirlwind et de quelques Spitfire et Hurricane d’essais. Comme il dérivait directement du dispositif conçu pour l’alimentation continue de la mitrailleuse MAC 1934, on ne peut que remarquer que le  retard d’environ un an du fait de l’inertie de Châtellerault s’est probablement répercuté sur la mise en service d’un système opérationnel d’alimentation continue des canons, privant ainsi les chasseurs français d’un avantage tactique très significatif.  Le 22 Avril, au sujet de l’alimentation continue MAC pour canon HS 404, il est noté que « le dispositif fait l’objet d’une dernière mise au point. 4 prototypes sont en réalisation, d’autre part, le Service Technique de l’Aéronautique parait en avoir décidé l’adoption avant même la conclusion des essais de Cazaux, et désirerait qu’une centaine de dispositifs soient dès maintenant réalisés. Les Anglais en demandent un »[41].

Le dispositif d’alimentation continue pour HS 404, source: MAC, via Lombard

Le dispositif de Châtellerault, amélioré en Angleterre, devait permettre le montage de canons de 20 mm sur les Spitfire. Aux États-Unis, où trois dispositifs étaient en concurrence, « des tests des trois mécanismes ont été conduits à Aberdeen et il a été rapporté que celui de Châtellerault, alors désigné T1E1 (le dernier reçu d’Angleterre) donnait de bien meilleures performances que les autres. Il était aussi noté que le dispositif de Châtellerault était léger, de construction très compacte et capable d’entrainer de grande bandes de munitions »[42].

Installation d’un Hispano dans une aile de Spitfire. Le dispositif d’alimentation continue -cylindre blanc-reste volumineux, source: spitfiresite

L’Armée de l’Air ne devait pas bénéficier de ce perfectionnement majeur du canon Hispano. Envisagé sur le Bloch 155, l’installation de canons à alimentation continue, avec boites à cartouches de 120 à 180 coups, devait être différée, car elle aurait exigé une modification importante du caisson de l’aile, source de retards importants dans la production[43]. Fait plus étonnant, que les circonstances ne permettaient guère de corriger, l’aile du MB157 restait prévue pour recevoir deux HS404 à chargeurs de 60 obus[44]. Le Dewoitine 520Z, étudié en 1942, devait recevoir deux HS 404 d’ailes, alimentés à 120 obus tandis que le projet D520T retenait un moteur canon alimenté également à 120 obus, piste qui aurait dû s’imposer comme prioritaire si le dispositif d’alimentation continue avait été mis au point à temps[45] .

La question des commandes de tir

Dans les années 1930, les commandes de tir mécaniques sont progressivement remplacées par des commandes de tir pneumatiques, les leviers d’armement et la détente des armes étant actionnés par un circuit d’air comprimé.  Ce dispositif présentait un double inconvénient, que feront clairement apparaître les premiers combats de l’automne 1939: d’une part, l’action de l’air comprimé s’exerce avec un retard pénalisant contre un objectif qui parcourt 125 mètres en une seconde, d’autre part les circuits d’air comprimé devaient s’avérer particulièrement vulnérables. Nombre de rapports et de témoignages soulignent alors l’urgence de remédier à ces inconvénients.  On doit donc se demander si ce problème avait été anticipé, comment et par quel moyens il avait été envisagé de le résoudre. 

« Dès 1935, à l’apparition des premiers Dewoitine, des doléances justifiées avaient été formulées à ce sujet par les groupes de chasse. En cinq années, aucune amélioration substantielle n’a été réalisée, malgré des demandes maintes fois renouvelées » écrit  à Vuillemin le 13 Février 1940 le général d’Harcourt, commandant de la chasse[46]. L’installation de commandes de tir pneumatiques, en remplacement des commandes mécaniques, est intervenue en Novembre 1935 au titre d’un deuxième stade de l’armement des Dewoitine 501 et 510. Au lieu d’être perçues comme un progrès, ces commandes sont l’objet de doléances des utilisateurs.

Le D510 révèle les défauts des commandes pneumatiques, source : Breffort et Jouineau

Les pilotes de la 5ème escadre engagés dans la campagne de tir de 1938 vont même jusqu’à démonter ces installations, et revenir aux anciennes commandes mécaniques[47].  Loin de méconnaître le problème, la DFA avait demandé en juin 1937 d’étudier les moyens d’obtenir une « réduction des retards de manœuvre des armes». Dans la mesure où le principal inconvénient perçu de commandes électriques réside dans une consommation considérée comme excessive, les travaux entrepris visent en particulier à réduire cette consommation. Un dispositif conçu par le commandant De Briey obtient aux essais des  résultats encourageants: la consommation d’énergie électrique est divisée par 5 et « la rapidité d’action est supérieure à celle des commandes pneumatiques et la cessation du tir est instantanée »[48]. En Août1938, le Comité du Matériel  est informé que, sur le Bloch 151, le tir en très courtes rafales est impossible. Après un bref débat dont ressort l’avis de l’ingénieur général  Mazer, pour qui « la commande électrique est délicate à réaliser », le Comité n’arrête aucune décision ni position sur la question.  En Janvier 1939, Martinot-Lagarde, de l’Inspection générale technique, établit un rapport accablant pour les commandes pneumatiques. Il revient sur les constats effectués sur le D510 et souligne que « les pilotes des avions de combat modernes, à performances élevées, ont constaté au cours des exercices de tir, l’infériorité dans laquelle les place un tel état de choses. Ainsi sont-ils unanimes à préconiser la mise en service de commandes d’armement électriques »[49]. Comme beaucoup d’avertissements pertinents d’avant-guerre, cette alerte sera méconnue tant qu’elle ne sera pas confortée par l’expérience des combats, au prix de 10 mois de retard dans la recherche active d’une solution. 

Les Curtiss P36 sont commandés en Mai 1938 avec leur système américain de commandes électriques qui, à l’emploi, s’avérera un progrès considérable. Bien que des études soient poursuivies par les Services techniques, on observe une force d’inertie s’opposant à l’adoption d’une telle solution. Lorsque les Etablissements Levy réalisent un dispositif de commandes de tir électriques qui fonctionne bien, c’est à l’amélioration de l’équipement des P36 qu’il est prévu de l’employer. Le système Levy, qui peut également être monté sur avions français,  répond à la principale objection formulée à l’égard des détentes électriques. En effet, « la consommation de courant est ramenée 3/100 de seconde après déclenchement et pendant toute la durée du tir de 10 ampères à 1.2 a. environ »[50]. Les détentes Levy ne sont pas pour autant adoptées.

Commande électro-magnétique d’une mitrailleuse Browning-FN sur P36, source: Cuny et Beauchamp

 L’expérience du front, pourtant, dictait à l’Inspection technique ce message sans ambiguïté : « L’inconvénient déjà signalé, ayant trait au retard dans l’action de la détente pneumatique présente un intérêt capital du fait de la faible capacité de feu des avions actuels. La mise en service d’une détente électrique à faible consommation d’énergie s’impose au plus haut point, dans le plus bref délai possible »[51]. Sur Bloch 152, « 15 obus et 40 cartouches sont encore consommés après que le tireur a cessé l’action sur la détente »[52]. Ce gaspillage se conjuguait avec la nécessité, que nous avons relevée plus haut, de réduire le garnissage effectif des chargeurs en deçà de leur capacité théorique de 60 obus. Le commandant Soviche, du GC I/1 sur Bloch 152, devait écrire après la campagne que, du fait des retards des commandes pneumatiques « la moitié des obus était perdue. Comme d’autre part les chargeurs d’obus emplis à 60 cartouches s’enrayaient régulièrement, l’habitude fut bientôt prise au groupe de mettre dans chaque chargeur 30obus au lieu de 60. […] Cela revient à dire que l’on emportait à chaque canon30 obus utiles. C’est beaucoup trop peu »[53]. Relayées par le général d’Harcourt, commandant de la chasse, mais aussi par des parlementaires en mission, les doléances des pilotes qui voient s’échapper une cible en raison du retard au déclenchement, ou se gaspiller leurs rares obus du fait d’un arrêt retardé se multiplient. Le Comité du Matériel acte le 16 Décembre qu’il est nécessaire de supprimer toutes les commandes de tir pneumatiques sur avion de chasse et de les remplacer par des commandes électriques[54]. Ce constat reste largement un vœu pieux. Le 26 Janvier, Vuillemin écrit au ministre que, en matière d’armement, l’observation « la plus importante a trait au problème capital des détentes d’armes qui ne donnent absolument pas satisfaction »[55]. Lors d’une mission auprès du groupe I/5, le sénateur de La Grange a cet échange révélateur avec le commandant Murtin : « D : Regrettez-vous de ne pas avoir de canon ?-R: Non ; D: Pourquoi ?; R:Parce que la commande du canon est pneumatique et que nous préférons les commandes électriques »[56].

On voit fleurir une série de solutions improvisées. Dans les unités confrontées à l’urgence du problème, diverses adaptations reposant en général sur l’augmentation de la pression d’air comprimé ou la rationalisation des circuits sont proposées. Diverses formules de commandes pneumatiques améliorées sont présentées : il est vrai que l’exemple anglais, où les Spitfire eux-mêmes sont équipés de commandes Dunlop sans que cela ne soit jamais, à notre connaissance, signalé comme un handicap, pouvait justifier la recherche d’une solution dans ce sens[57]. En Novembre 1939, la commission d’Armement indique même que « l’instantanéité des dernières détentes pneumatiques présentées à l’Air est meilleure que celle des détentes électriques. Il n’y a pas lieu d’imposer à la Sté Hispano une détente électrique»[58].

L’ingénieur général Reibel, patron de la MAC, traine les pieds sur l’alimentation continue et les commandes de tir électriques, source: La Nouvelle République

C’est pourtant un compromis qui prévaut : « l’instantanéité de tir des avions de chasse a été résolue par les valves électropneumatiques qui sont commandées en grande série», lit-on dans un rapport de Janvier 1940 destiné à une commission sénatoriale[59]. Au terme d’essais effectués à son initiative, en Octobre 1939 en effet, « le centre d’essais de Cazaux [avait émis] le vœu que cette solution soit adoptée et généralisée dès que possible en raison des grandes simplifications qu’elle apporterait dans les installations à bord »[60]. Dans ce système, « l’ouverture des valves de détente et d’armement est commandée électriquement au moyen d’un électro-aimant fixé sur la valve ». Ces électro-valves Bronzavia sont dérivées des l’électro-valves qui commandent le mécanisme de changement de pas des hélices Chauvière. Ce système, tel que monté sur le Dewoitine 520, présente certains inconvénients. Il utilise, par groupe d’armes, une bouteille relais d’air comprimé, de 8 litres, rechargée par le circuit général de l’avion, qui n’est donc que partiellement simplifié. De plus, on ne peut tirer de suite que 12 rafales avec le canon, ou 20 avec les mitrailleuses et « il n’est donc pas possible avec cette installation d’épuiser toutes les munitions, sans laisser le temps au compresseur d’augmenter la pression d’air »[61]. La solution adoptée apportait au problème une solution globalement satisfaisante certes, mais bien tardive, et la grande majorité des chasseurs français en mai 1940, MS406 et MB 152, durent affronter la Luftwaffe avec le handicap de délais excessifs de réponse de leur armement. Parmi les heureux bénéficiaires, se trouvaient aussi certains Potez 631 « avec la détente électropneumatique, un truc absolument sensationnel. Nous étions la seule escadrille qui en avait »[62]. On relève aussi, dans un télégramme du 13 Mars, que l’entrepôt de Chateaudun tient à la disposition du GC III/1 « trois Morane 406 canon 404 et dispositif électro-valve »[63]. Malgré ses qualités, la solution électropneumatique laissait subsister l’inconvénient de circuits pneumatiques compliqués et vulnérables. Là encore, le général Gambier ne semble pas avoir été entendu lorsqu’il indiquait dans un rapport d’Octobre 1939 : « Bien qu’il soit encore difficile d’apprécier exactement les conséquences du feu de l’ennemi sur les commandes de détente pneumatiques, on peut estimer cependant, en raison des résultats encourageants obtenus dans l’utilisation de l’avion Curtiss, que la généralisation des commandes d’armement mécaniques constituera à l’avenir une heureuses simplification. Le principal avantage de ce dispositif résulte de la diminution du coefficient de vulnérabilité d’organes indispensables de l’appareil par suite de la plus faible section des câbles, comparée à celle des commandes, sous pression, et du gain de temps obtenu au montage de l’équipement. Il reste toutefois entendu que cette disposition ( commande mécanique) ne doit s’appliquer qu’aux manœuvres d’armement et de sûreté des armes, la détente devant être toujours réalisée électriquement »[64].

Il est à noter que ce problème des détentes d’armes, envisagé ici sur chasseurs, affectait aussi les bombardiers. Un rapport d’inspection  du 1er Février 1940 relève que, sur le canon du Léo 45, « le fonctionnement de la détente Messier est nettement insuffisant (délai d’action inacceptable, grand retard au départ, arrêt du tir retardé). Le remplacement de cette détente par une détente MAP serait une solution heureuse »[65]. C’est cette solution qui devait,  tardivement, être mise en œuvre, notamment sur des appareils utilisés en Syrie. 

Les cinémitrailleuses, utilisées pour l’entrainement et donc absentes sur les avions d’armes, étaient-elles mêmes à commande pneumatique (Facine 20) ou électrique (Facine 60)[66]. La cinémitrailleuse Fairchild CG 16, qui équipait en option certains P36 d’exportation, était bien sûr à commande électrique[67].

Et si…

Ces premières pages d’un panorama sur les forces et les faiblesses des armements aériens français en 1940 ont fait apparaître que pour l’essentiel, ces faiblesses étaient identifiées et leur solution engagée. Les marges existaient donc pour de substantielles améliorations de l’efficacité de l’Armée de l’Air dans ce domaine. Remarquons, au passage, que l’organisation en vigueur, dans laquelle la DFA était l’intermédiaire incontournable de l’Armée de l’Air et du ministère pour les questions d’armement, a pu être un facteur de retard mais non, à notre connaissance, de blocage. Il est également possible que la suppression du Service de l’Armement aérien par Guy la Chambre en février 1938, n’ait pas été une décision heureuse.

Supprimer le Service de l’Armement Aérien de l’Ingénieur général Etevé était-il une bonne idée?, source: Archives de l’X

A défaut de pouvoir considérer les diverses occasions manquées d’engager un programme d’armement plus efficient, nous nous placerons dans le scénario uchronique introduit dans un article précédent, d’un Grand sursaut, intervenant en Septembre 1937.

Le témoignage oral laissé par le général Grimal, en charge des questions d’armement au bureau des matériels de février 1937 à mai 1940, confirme le constat résultant des sources écrites : les questions de l’alimentation et des commandes d’armes faisaient l’objet de préoccupations bien identifiées. Corolaire intéressant, ce témoignage nous éclaire sur les conditions dans lesquelles des décisions plus vigoureuses en vue de solutions plus rapides n’ont pas été prises. Si Grimal revendique pour son bureau un rôle majeur dans la prise de décisions à mettre en œuvre par d’autres services ou par les industriels, il souligne l’exigence de « définir un compromis raisonnable, [constituant] un optimum »[68]. Typique de cette attitude, à propos des inconvénients de l’alimentation par chargeurs, cette interrogation : « est-ce-que Chatellerault serait capable de … ?». Ce qui peut nous apparaître aujourd’hui comme un manque de lucidité, ou pour le moins un défaut d’ambition, résultait en fait de l’internalisation des contraintes, du souci ou de l’exigence de ne pas émettre de prescriptions inexécutables.

Cette connaissance des conditions de la décision historique -OTL dans la terminologie de la littérature uchronique- est essentielle pour la formulation d’un scénario contrefactuel pertinent. L’enjeu est de créer les conditions dans lesquelles un certain nombre de contraintes pouvaient être déplacées plutôt que subies. Telle est bien la logique de notre scénario du « Grand sursaut ». En matière d’alimentation continue, nous avons vu que la menace du recours à la FN a sans doute été décisive pour que la MAC s’attache à la résolution du problème qui a dès lors été relativement rapide. Pour l’adoption de commandes d’arme électriques, l’achat des Curtiss P36 a probablement constitué l’occasion manquée. Comme nous l’avons vu pour le bloc moteur-capotage-hélice, l’achat du P36 aurait dû être l’occasion d’acquérir les droits de licence du système de déclenchement par solénoïde. Cela aurait certes imposé un renforcement de l’installation électrique des pareils concernés mais, en tout état de cause, la nécessité de ce renforcement commençait à être perçue.

Sur les deux enjeux essentiels de commandes de tir plus réactives et d’une alimentation continue permettant d’accroître la dotation en munitions des canons de 20 mm, des solutions existaient, que le programme volontariste du grand sursaut pouvait mettre en œuvre sur les appareils produits à partir de l’automne 1939.

La question posée par le potentiel non exploité des mitrailleuses Darne ne peut être considérée que dans un horizon plus long. Plus que l’Armée de l’Air, à laquelle la MAC offrait une alternative satisfaisante, du moins après adoption de l’alimentation continue, l’enjeu d’une mise au point satisfaisante en vue d’une production massive concernait surtout l’Armée de Terre, confrontée à une dualité pénalisante de ses munitions d’infanterie. Un scénario satisfaisant sur ce point repose sur l’hypothèse d’une coopération constructive entre la MAS et Darne, bien éloigné du climat d’obstruction historiquement entretenu par la Manufacture.

C’est en fait un véritable système d’armes automatiques que proposait Darne, incluant notamment des mitrailleuses lourdes, un type d’arme dont l’absence dans l’Armée de l’Air a parfois été regrettée, comme nous le verrons dans un prochain article.

Notes et références

[1] Paul Martin, ouvrage cité, pp. 483-484.

[2] In SHD/Centre des archives de l’armement et des personnels civils –CAAC, carton 2H2 79.

[3] L’armement de 8 mitrailleuses est requis par le programme de chasseurs F5/34 diffusé en novembre 1934, cf. King, Armament of British Aircraft, 1909-1939,  p. 116 et notre article : Nieuport 161 et Gloster F5/34 : le destin contrarié des deux meilleurs chasseurs des programmes de 1934.

[4] Cf. H. King, Armament of British Aircraft, p. 262.

[5] In CAAC 35 3F3 48.

[6] Cf. Chinn, The Machine Gun, pp. 379-381.

[7] Rapport du 12-05-1921, CAAC 431 2H3 25.

[8] Observations du général inspecteur des études et expériences techniques de l’artillerie, 25 mars 1927, CAAC, 278 2H2 79.

[9] Cf. fac-similé in Joanne, Le Bloch 152, p. 25.

[10] Rapport in CAAC 278 2H2 71.

[11] Le matériel n’a pas suivi, Icare, N° 61, p. 102.

[12] Cf. Un siècle d’armement mondial, tome 3,1979, p. 135 ; dans le même sens, mais plus modérés, Danel et Cuny, L’aviation française de bombardement, p. 346.

[13] Huon et Barrelier, Les mitrailleuses Darne, p. 124.

[14] Ibid., p. 208.

[15] Cf. Chinn, op. cité, p. 388.

[16] CAAC 431 2H3 25 et Lombard, La Manufacture Nationale d’Armes de Châtellerault, p. 307.

[17] PV du CoMat, 30-03-35, SHD.

[18] Note N° 162 sur les projectiles de petit calibre, in CAAC 35 3F3 48.

[19] Cf. État d’avancement des études d’armement aérien, Octobre 1937, SHD 3B7.

[20] Note non datée in SHD 11Z12939.

[21] Note pour le Ministre 27-01-39, SHD 11Z12939.

[22] Télégramme EMAA du 8 Mai, 16 heures, in SHD 1D4.

[23] A.  Williams, The Battle of Britain, Armament of the Competing Fighters, en ligne sur le site quarrys.co.uk/

[24] Cet argument est développé dans une note de l’IGAA: Armement de l’Armée de l’Air, p. 8, SHD 2B167.

[25] R. Panhard, Souvenirs de la Campagne de France, Icare, 1996-1, p. 109.

[26] Extraits du bulletin de renseignement N° 7 du Fighter Command, 23-05-40, in SHD 1D37.

[27] A.  Williams, The Battle of Britain, art. cité.

[28] Compte-rendu du Capitaine Crémieu sur l’effet des obus des canons HS 404, 27-11-39, SHD 2B167.

[29] Développement des questions examinées au cours de la réunion du 22 Avril, in SHD 1D 52.

[30] Notice provisoire sur le canon de 25 Mèle 1940, adoptée le 12-05-40, in SHD 2B120, pp.3-4.

[31] Cf. Rapport de Cazaux le 28-11-39, in CAAC 589 1F3 196.

[32] D. Isby, The Decisive Duel, Spitfire vs. 109, p.49.

[33] Sur la production et les développements anglais du HS 404, cf. Lage, Hispano Suiza in Aeronautics, pp.248-249, qui signale aussi l’intérêt allemand pour cette arme, en juillet 1940.

[34] Cf. Mason, Hawker Aircrafts, pp. 238 et 475. Mitchell avait également soumis le 29 Mars un projet de Spitfire répondant au même programme. Cf. D. Isby, The Decisive Duel, p. 49.

[35] Cf. Chinn, op. cité, p. 583.

[36] Boilllot, Premiers vols et premières batailles, art.cité, p.20; Comas et alii, Le Morane-Saulnier MS 406, p. 20.

[37] Programme général du matériel de l’Armée de l’Air, Titre VI, Matériel d’Armement, 18 septembre 1936, p.8, CAAC 431 2H3 25.

[38] Courrier archivé in CAAC 278 2H2 79.

[39] Lettre du directeur de la MAC, le 27 Avril 1937, in même dossier, ainsi que les courriers suivants.

[40] Rapport d’avancement …cité ci-dessus, p. 14.

[41] Liaison Air-Armement, Questions examinées lors de la réunion du 22-04-4, in SHD 1D52.

[42] Cf. Chinn, The Machine Gun, p.580.

[43] S. Joanne, Le Bloch MB 152, p. 45.

[44] Ibid, p. 47 et Notice SO 157, Musée de l’Air.

[45]R. Danel et J. Cuny, Le Dewoitine D520, p. 200 et 204. La dotation de 120 obus pour un moteur canon de 20 mm sera réalisée en URSS sur les chasseurs Yak.

[46] SHD B165.

[47] Rapport de l’Inspection Générale Technique, 5-01-39, in SHD 2B165.

[48] Rapport précité sur l’avancement des études d’armement, Octobre 1937.

[49] Rapport précité, p.2

[50] Avis du Service Technique de l’Armement Aérien, 10-10-39, CAAC 589 1F3 196.

[51] Renseignements techniques transmis à la DTI pour la réunion du 10 Octobre, in SHD 3B6.

[52] Courrier du Général D’Astier à Vuillemin, 23-01-40, SHD 2B165.

[53] Rapport du Commandant Soviche , du GC I/1, 2 avril 1941, SHD 3D510.

[54] A la demande de Caquot, qui le 7 Décembre, a demandé sur le Dewoitine 520 « le remplacement de la commande pneumatique par une commande électrique de moindre inertie ».

[55] Note verbale in SHD 2B2.

[56] PV du 14-02-40 in SHD 1D4.

[57] « On both the Spitfire and the Hurricane, the eight guns are fired by compressed air », H.F. King, Armament of British Aircraft, 1909-1939, p. 71.

[58] PV du 23 Novembre précité.

[59] In Fonds Guy La Chambre, SHD 11Z12939.

[60] Rapport d’étude, 14-10-39, CAAC 589 1F3 196.

[61] Notice descriptive et d’utilisation de l’avion Dewoitine 520, Mars 1941, p. 59.

[62] Chasse de jour et guet oscillant, Icare N° 156, 1996/1, p. 32.

[63] In SHD 1D4.

[64] Gal Gambier, Note Simplification des équipements, 13-10-39, in SHD 1D51.

[65] Rapport in SHD 1D7.

[66] Danel et Cuny, Le Dewoitine D520, p. 252.

[67] Cf. sa présentation dans la Revue de l’Armée de l’Air, Juillet-Décembre 1938, p. 1185.

[68] Témoignage oral consulté au SHD.

3 réflexions sur « Forces et faiblesses des armements aériens : mitrailleuses légères et canons de 20 mm »

  1. Très intéressant. Il est désolant, ou réconfortant selon le point de vue, que les canons hispano ont été finalement bien été mis au point, mais au bénéfice de la RAF, et non de l’armée de l’air.

  2. L’article est très intéressant, dommage qu’il se focalise quasi exclusivement sur les chasseurs. Ce qui est assez dommage quand on connaît un peu la nature des combats aériens de la campagne de l’Ouest. En effet, l’alimentation par bandes du canon HS-404 auraient été saluée par les canonniers des LeO 451 étant donné que, dans les faits, leur arme était impossible à recharger en vol ! C’est un défaut qui s’ajoute à l’inertie de la commande de tir et à l’encombrement de l’arme pour diminuer fortement son efficacité. Les pertes face à la chasse allemande auraient toutefois peut-être un peu diminué.

    L’adoption d’une mitrailleuse de gros calibre aurait été, à mon avis plus judicieux pour la défense des bombardiers. Les mitrailleuses légères se sont en effet révélées inefficaces durant la Drôle de Guerre… et l’introduction du HS-404 a causé une tension inutile sur les fabrications de cette arme qui était déjà très demandée pour les avions de chasse, d’assaut ou de bombardement en piqué et… la DCA ! Mais, sans vouloir spolier la seconde partie de l’article, je suppose que le problème de la défense des multimoteurs n’avait pas été anticipé suffisamment tôt pour qu’une arme appropriée soit développée et mise en production.

  3. A la demande d’Yves Michelet, c’est bien volontiers que, avec un retard regrettable du à des difficultés de communication, j’insère ici le texte du commentaire qu’il a souhaité voir apparaître:

    Ayant été mis en cause même si ce n’est pas très méchant, je me dois de rétablir la vérité. L’article consacré au canon français pour avions HS 404 commence ainsi (je copie le 1er paragraphe) :

     » Dans ses réflexions annexées à l’ouvrage de Paul Martin, « Invisibles vainqueurs », Yves Michelet, représentant le plus représentatif d’une histoire apologétique de la campagne de France, met en avant la supériorité que le canon Hispano de 20 mm aurait apportée à l’aviation française tant à l’égard des canons Oerlikon armant les avions allemands que des 8 mitrailleuses légères des chasseurs anglais[1]. Pourtant, les déficiences dans l’armement des avions figurent en bonne place parmi les doléances des équipages, comme dans une analyse objective des facteurs ayant affecté l’efficacité de l’Armée de l’Air.  »

    Bien que très honoré d’être qualifié de  » représentant le plus représentatif « , ce qui frise l’apologie échevelée, je ne peux que contester ces propos. Il est exact que le formidable canon français HS 404 avait encore quelques défauts de jeunesse en 1940 mais, dans l’ensemble, c’était une arme excellente, redoutable (pour l’ennemi, pas pour ses utilisateurs) et qui a valu aux avions teutons une bonne partie des pertes terribles qu’ils ont subies. Pertes terribles? Mais oui, parfaitement. En 38 jours sur 46 de Campagne de France (mai-juin 1940), les 8 derniers jours ayant été très calmes, les Allemands ont perdu PLUS d’avions qu’en 83 jours de Bataille d’Angleterre (10 juillet-30 septembre). Certes, les divers pays alliés (Pays-Bas, Belgique et Angleterre) y ont contribué, surtout les Pays-Bas, qui ont massacré environ 200 transports Junkers 52 et aussi d’autres avions teutons, de même que la DCA de tous ces pays et de la France, mais le principal facteur expliquant les terribles pertes de la Luftwaffe, c’est sans aucun doute la Chasse française. Vous ne trouverez jamais une autre explication qui tienne debout (on peut oublier les chiffres triomphants, et imaginaires, de la Chasse anglaise très peu nombreuse, et qui a fait ce qu’elle a pu tout en subissant des pertes terribles). Les chasseurs français les plus efficaces au combat furent les Curtiss H-75 (14 % des chasseurs français utilisés au combat) armés de seulement 4 ou 6 mitrailleuses légères de 7,5 mm, presque tous les autres chasseurs français (soit environ 80 % de la Chasse, les Bloch 151 n’ayant pas de canons) possédant un ou deux redoutables canons HS 9 et surtout HS 404. Les résultats au combat SEMBLENT donc confirmer l’inefficacité de ce canon, due à quelques défauts mentionnés par M. Hénin ou par les étudiants « rabatteurs » qui ont écrit pour lui sous son contrôle mais sans connaître la question. Toutefois, le combat aérien est un sujet très complexe et il faut se garder de tout juger en se fondant uniquement sur quelques chiffres portant sur les pilotes de chasse, les avions, leurs armes, etc. Le chasseur Curtiss H-75, bien qu’un peu faible côté moteur et vitesse (environ 500 km/h) et carrément faible pour l’armement, semble bien avoir constitué un ENSEMBLE très compétitif par sa conception très moderne, sa maniabilité, ses excellentes commandes, etc. À cela s’ajoute son emploi par quatre groupes de chasse qui semblent bien avoir été une partie de l’élite de la Chasse, les GC I/4 et II/4, et aussi le II/5 et surtout le GC I/5 ; seul le I/4 se situe dans la bonne moyenne pour les victoires, très loin derrière le I/5 du Cdt Murtin et des capitaine Accart et Lt. Dorance, deux chefs d’escadrilles hors pair et deux très grands as.

    La cause semble entendue : les unités de Curtiss ont obtenu des résultats éblouissants – c’est exact – avec leurs petites mitrailleuses légères de 7,5 et sans canon. Je l’ai déjà dit, c’est loin d’être aussi simple, aussi évident. Ces groupes de Curtiss ont reçu ces avions largement à temps pour bien s’entraîner à leur emploi (c’est un élément important car chaque chasseur avait, et a, des qualités, des défauts et des particularités propres) et ces avions étaient très modernes et bien construits : c’était du solide. L’état-major les a donc stationnés dans les secteurs où la probabilité de combat avec les Allemands était élevée, et leur a souvent attribué de nombreuses missions correspondantes, avec de nombreuses possibilités de victoires, notamment sur des bombardiers (les seuls avions ennemis vraiment dangereux pour la France et son armée en général), et aussi de pertes dues à la chasse ennemie protégeant ces bombardiers, ou en chasse libre, cherchant les avions ennemis, surtout français. Cet élément – secteur de stationnement et choix des missions ordonnées – explique déjà en grande partie la supériorité des Curtiss en victoires, sans canons. Il s’y ajoute le fait que, selon toute vraisemblance, ces quatre groupes de chasse avaient des pilotes particulièrement doués et très bien entraînés au combat et au tir (les meilleurs tireurs d’avant la guerre furent les plus grands as de la campagne de France). Accart m’a parlé d’un ou deux pilotes qu’on lui avait envoyés pour son escadrille, mais qu’il a renvoyés s’entraîner car ils n’avaient pas le niveau qu’il exigeait. L’inverse s’est produit aussi, par exemple avec le sgt-chef François Morel, très doué, qui devint un grand as en 8 jours de combat (tué d’une balle dans la tête par un mitrailleur allemand – c’était imparable).

    Nota : « l’ouvrage de Paul Martin » est l’ouvrage de Paul Martin ET Yves Michelet, chacun ayant contribué pour environ 50 % aux divers textes etc., et YM ayant fourni les 2/3 des 220 photos NB (et les plus intéressantes) et toutes les illustrations en couleurs. Le titre est visiblement d’YM.

    Les chefs de toute unité militaire, y compris l’infanterie et la Marine, ont une très grande importance pour la valeur de leurs unités au combat. Or, par exemple, le Cdt Murtin du GC I/5 et ses deux chefs d’escadrilles, Accart et Dorance – surtout Accart – étaient des chefs remarquables, qui avaient parfaitement entraîné tous leurs pilotes et qui les commandaient très bien au combat. L’importance du chef se voit très clairement dans les résultats de la 1re escadrille du I/5 (Accart), qui a obtenu plus de 70 victoires (72 ou 75), sûres ou probables, sur les 111 des deux escadrilles. Tous les autres groupes de chasse, souvent très bons aussi, sont à au moins 40 victoires derrière le GC I/5, voire nettement plus bas.

    Mettez les meilleurs chasseurs du monde dans un secteur où l’ennemi ne se montre presque jamais, et ces chasseurs n’auront que quelques maigres victoires.

    En résumé, les grands succès des trois premiers groupes de Curtiss ne sont certainement pas dus à leurs faibles mitrailleuses, souvent inefficaces (et leurs pilotes, spécialement le grand Accart, s’en sont beaucoup plaints) mais à la très bonne qualité d’ensemble du Curtiss malgré une vitesse insuffisante, à l’excellente qualité des pilotes et à des chefs remarquables dans l’ensemble. Tout le monde ne peut pas être un Accart (presque un génie). Ajoutez le secteur où ils étaient stationnés.

    Je ne peux entrer ici dans les détails de ce sujet fort complexe, mais je confirme que le canon français de 20 mm HS 404 était de très loin le meilleur du monde en 1939 et en 1940. C’est pourquoi la RAF l’a choisi, des années avant la guerre, après avoir étudié et essayé toutes les armes disponibles sur le marché mondial, canons ou mitrailleuses lourdes. La RAF n’a jamais regretté ni annulé ce choix, bien au contraire : elle a armé ses avions de canons HS 404, dits « Hispano » en Angleterre, tant qu’elle a pu, avec toujours au moins deux canons (un dans chaque aile), quatre chaque fois que c’était possible, comme sur le Typhoon, le Westland Whirlwind, le célébrissime Mosquito (sauf la version bombardier), certaine(s) version(s) du Spitfire malgré le manque de place dans les ailes, le formidable Hawker « Tempest », etc. Cet enthousiasme a duré encore longtemps après la guerre, tous les avions de combat de la RAF sauf les bombardiers lourds quadrimoteurs étant armés de canons dits « Hispano » jusque dans les années 1950. Cela n’a pris fin qu’avec l’apparition du canon ADEN de 30 mm sur le fameux Hawker Hunter (« Chasseur »), dans les années 1960, plus de vingt ans après 1940…

    Le général (4 étoiles) Henri Hugo était capitaine et il commandait une escadrille de Morane 406 (GC II/7) en 1939-40. Il a écrit : « Le canon (…) était d’un fonctionnement sûr (…) ». (Revue « Icare », n° 54 : La Chasse, page 89.) Je crois que l’opinion de ce grand chef de la Chasse et de cet as suffirait à clore le débat. Il déplorait le fait que ce canon n’eût « que » 60 obus à tirer. Le très médiocre canon allemand MG FF en avait, lui, …60 aussi. L’alimentation du canon français par une bande de 120 cartouches existait déjà mais la défaite alliée empêcha de l’utiliser à partir de juin 1940. C’est la RAF qui a en profité à partir de 1941 ; elle avait reçu de France tous les documents et les plans correspondants ainsi qu’un exemplaire du système d’alimentation par bande de cartouches. Elle était si satisfaite de cette arme qu’elle l’a produite dans pas moins de SIX usines (6) britanniques.

    Le capitaine Accart, un chef, un as et un homme sublime, a publié dès 1941 son passionnant petit livre « Chasseurs du ciel », dans lequel il raconte surtout ses combats et aussi ceux de son escadrille. Dans ce livre, il disait ouvertement qu’il enviait les pilotes de Morane 406 (c’est le monde à l’envers), qui avaient un canon, contrairement à lui sur son « Curtiss », même armé de six mitrailleuses légères et faiblardes de 7,5 mm (et non plus de quatre comme en septembre 1939).

    Hugo et Accart furent plus tard, tous deux, des généraux à quatre étoiles. Tous deux auraient certainement reçu la 5e étoile mais ils ont démissionné tous les deux – sans se concerter – pour des raisons qui se situaient à un très haut niveau de l’État. Je mentionne leur grade pour bien montrer que ces deux hommes remarquables, deux grands as, surtout Accart, étaient de très grands professionnels et qu’ils savaient de quoi ils parlaient.

    Hugo a eu droit à un autre canon HS 404 dès le 1er juin 1940 (environ) car le GC II/7 a remplacé ses Morane 406 par des Dewoitine 520 ; ces deux chasseurs avaient un canon logé sur le bloc-moteur et tirant à travers la casserole de l’hélice. Plus tard, dans l’Armée de l’Air reconstituée, il a beaucoup volé et combattu sur Spitfire IX, avec un canon dans chaque aile (le même canon HS 404, légèrement modifié, dit « Hispano » en Angleterre).

    Accart a, lui aussi, volé sur D.520, mais sans combat, en Afrique du Nord après s’être évadé de France (grand blessé plus ou moins rétabli) avec une étape dans les prisons de l’infâme Franco. Il a créé et commandé le nouveau groupe de chasse « Berry », basé en Angleterre et volant sur « Spitfire » IX lui aussi (sauf erreur). Idem pour l’armement. Je donne ces précisions pour montrer qu’Accart et Hugo savaient de quoi ils parlaient… Ce n’est pas le cas de tout le monde.

    Le grand spécialiste britannique Alfred Price a publié, sur la Chasse en général (dans tous les pays importants y compris l’URSS), un livre petit mais vraiment remarquable, et je le recommande chaleureusement : « World War II Fighter Conflict ». Fighter signifie « chasseur » et non « combattant », comme diverses chaînes de TV veulent nous le faire croire et même l’imposer. Que ces débiles mentaux apprennent le français ! On trouve, dans ce livre d’Alfred Price, toutes sortes de renseignements, très concentrés, sur les principaux sujets relatifs à la Chasse : avions, moteurs, performances, armement, tactiques, etc. Pour l’armement, il raconte pourquoi la RAF a choisi (vers 1935-37, sans garantie) le canon français HS 404 après avoir étudié toutes les armes pouvant entrer en ligne de compte. Elle voulait notamment un canon tirant des obus PERFORANTS avec efficacité. Le HS 404 était le meilleur du monde… Les obus perforants étaient, et sont encore, très utiles contre les blindages, les blocs-moteurs qu’ils détruisent, les éléments vitaux de l’avion ennemi comme ses longerons d’ailes, etc.

    La fusée des obus était trop sensible et ils explosaient donc non pas à l’intérieur des avions ennemis mais à la surface du revêtement métallique, causant tout de même, très souvent, de graves dégâts car l’explosion se produisait pour moitié vers l’intérieur de l’avion ennemi touché – et touché, en général, de plusieurs obus plus les balles de mitrailleuses.

    Je suis d’avis que les munitions ne font pas partie du canon même si elles en sont inséparables. De plus, pour corriger ce défaut, il suffisait de modifier légèrement les fusées des obus explosifs. Cela ne concerne pas les obus perforants, qui étaient faits de métal plein et n’explosaient pas mais détruisaient entre autres, grâce à leur formidable énergie cinétique et à leur masse importante, tout moteur qu’ils frappaient, et perçaient les blindages éventuels protégeant les réservoirs d’essence et les pilotes (de bombardiers – en mai-juin 1940).

    En conclusion, tout produit hautement technique pose – presque toujours – divers problèmes au début de son utilisation. Les petits défauts du canon HS 404 pouvaient être corrigés facilement et ils le furent, pas en juillet 1940 France à cause de l’occupation, mais en Angleterre dès 1941 et plus tard. Le célèbre chasseur à réaction North American F-100 D « Super Sabre » (à l’entrée d’air frontale aplatie), successeur du F-86 « Sabre », ce dernier très employé dans la guerre de Corée, n’a pu être utilisé qu’après l’élimination de divers défauts graves, après quoi il a donné satisfaction, y compris comme bombardier nucléaire tactique. Moralité : les défauts de jeunesse d’un avion ou de son armement se corrigent.

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