Meilleur fusil du monde lors de son adoption, en 1887, le fusil Lebel pouvait être considéré comme dépassé cinq ans plus tard. Parti le premier dans la course aux fusils modernes de calibre réduit, utilisant la poudre sans fumée, adopté précipitamment, il conservait des dispositions qui allaient rapidement s’avérer anachroniques.
Tout a été dit, ou presque, sur l’histoire de cette arme mythique, peut-être la plus connue de celles qui ont équipé un jour les armées françaises. Revisiter l’histoire du fusil Lebel, c’est le confronter non pas à de simples rivaux, mais bien à des familles d’armes proposées par l’adversaire d’outre-Rhin, Mauser, comme par le système Berthier, concurrent tardif et successeur national. Nous verrons alors les difficultés françaises à prendre en compte les limites du Lebel et donc à utiliser à temps et au mieux les possibilités de relève offertes par les armes Berthier.
L’émergence des fusils à répétition
Au cours du 19ème siècle, la révolution armurière affecte d’abord le fusil, arme principale du combattant. L’invention de l’amorce permet de concevoir la cartouche, d’abord en carton comme sur le Dreyse prussien et le Chassepot français de 1866, puis métallique, apparue aux États-Unis dans les années 1860 et introduite en Europe en 1869 sur les fusils Werder de l’armée bavaroise.
Le Mauser M71, adopté par le nouvel Empire allemand, puis le fusil Gras de 1874 en France, tous deux avec cartouches métalliques de calibre 11 mm, marquent l’apogée du fusil tirant au coup-par-coup. Suivant l’exemple américain, des fusils Spencer et des carabines Winchester, l’attention se tourne en effet vers des armes à répétition, où l’on peut tirer plusieurs coups sans rechargement, en déplaçant successivement des cartouches placées dans un magasin, dans la crosse ou sous le canon. Venant après les affrontements de la guerre de 1870, le siège de Plevna mettait en effet l’accent sur l’importance de la vitesse du tir. La piste privilégiée est celle d’une transformation en arme à répétition des fusils existants. En France, la commission d’essais de Versailles ne devait pas examiner, entre 1880 et 1885, moins de 35 fusils résultant de transformation du Gras modèle 1874.
La Marine franchit la première le pas en adoptant un fusil à répétition, modèle autrichien Kropatschek à magasin tubulaire placé sous le canon, adapté à la balle Gras mais fabriqué à Steyr, en Styrie.
Le rééquipement de l’armée représentant un enjeu beaucoup plus important suscite un long programme d’essais. La perspective d’être devancé par l’Allemagne qui devait adopter en 1884 son premier fusil à répétition, un modèle 71/84 modifié par Mauser en 1884, conduisait à accélérer le processus. Formée en mars 1883, la « Commission d’études des armes à répétition », ayant résolu les questions de principe, fait place en mars 1884 à « une commission moins nombreuse chargée des détails d’exécution » en vue de déboucher sur un modèle susceptible d’être adopté comme nouvelle arme réglementaire[1].
La Manufacture de Châtellerault présentait en 1884 et 1885 des modèles adaptés du Kropatschek de la marine [Mle1878][2]. Au terme d’essais comparatifs approfondis de de fusil et du Châtellerault [Mle1884] avec le fusil Gras réglementaire, menés au Camp de Chalons, l’Ecole Normale de Tir concluaient : « En résumé, [ces fusils] n’ont sur le fusil 1874. d’autre avantage que celui d’être pourvus d’un mécanisme de répétition Par contre, ils sont moins précis et moins bien réglés par rapport au point visé […] Il y a donc lieu d’en conclure que ces fusils sont sensiblement inférieurs, surtout comme arme d’instruction, au fusil modèle 1874. Leur adoption, loin de constituer un progrès, ramènerait aux conditions qui ont précédé les améliorations successives apportées au fusil et à la cartouche modèle 1874»[3]. Ironie de l’histoire, la commission qui s’exprime en ces termes le 10 décembre 1885 est présidée par un certain colonel Lebel !
La question du calibre
La réduction du calibre, qui avait permis au Chassepot de prendre l’avantage sur les Dreyse prussiens, se poursuit. Au début des années 1880, deux suisses sont les pionniers de ce mouvement: Hebler, professeur à Zurich, propose des armes de 7, puis de 8,6 mm et le major Rubin, directeur de l’arsenal fédéral, fait essayer avec plus de succès un fusil de 7,5 dont l’intérêt reste cependant limité par l’emploi de la poudre noire. En France, les essais de fusils de calibre réduit se multiplient alors.
Dans un rapport de décembre 1884, l’École Normale de tir fait état de l’évaluation de 36 fusils différents tant par leur calibre, échelonné de 10 à 8 mm que par leur construction. Sa conclusion acte une décision de principe en ce qui concerne le calibre, puisque « étant donnée une quelconque des balles du calibre 9 mm, il est possible d’établir une balle du calibre 8 mm qui lui soit supérieure, étant aussi puissante et plus légère »[4]. Ce rapport conclut également au rejet du fusil de 8 mm du système de Châtellerault, adaptation directe du modèle 1884, qui ne peut supporter le supplément de pression imposé par la réduction du calibre.
Un rapport de la Commission d’expérience de Versailles, en date du 29 septembre 1885 constitue un pas décisif pour le choix du calibre. Ayant à examiner, du seul point de vue de leurs propriétés balistiques, des fusils des calibres respectifs 8, 7,5 et 7 mm, elle conclut que « dans les conditions où elle a employé la poudre noire et la poudre V[5], la réduction du calibre au-dessous de 8 mm ne permet d’augmenter ni la précision du tir, ni la tension de la trajectoire ». C’est là condamner toute possibilité d’adopter un calibre inférieur, comme celui de 7,5, alors réglementaire en Suisse et que la France ne retrouvera qu’en 1924, et même en 1936 pour le fusil. Il convient de noter que ce résultat est un artefact dû à un choix méthodologique contestable. En effet, au moment de définir la charge de poudre V à substituer à la poudre noire dans les cartouches de 7 et de 7,5 mm, la commission a choisi d’adopter la charge réduite, donnant la même vitesse initiale, et pas la charge donnant la même pression dans l’âme, ou, critère très proche, la même force de recul[6]. On renonçait donc a priori à tirer pleinement parti des gains de tension et de précision possibles pour ces calibres. Certains diront : à quoi tient un retard de 50 ans ! Notons aussi, ce qui aura bientôt son importance, que pour mener rapidement ces essais, la commission a utilisé des cartouches à balles de calibres différents, mais toutes obtenues en conservant le large culot de la balle Gras de 11 mm, améliorée en 1879.
L’amélioration des qualités balistiques du fusil exige une augmentation de la vitesse initiale, couteuse en termes de poids et de force du recul, sauf à réduire le calibre, ce qui permet de diminuer le poids du projectile et/ou d’augmenter sa densité de section. Amorcée avec le Chassepot, puis le Mauser M.71 et le Gras, cette réduction venait buter sur la qualité de poudres disponibles, variétés de poudre noire plus ou moins améliorées dans leur texture. Non seulement, la combustion de ces poudres entrainait un important dégagement de fumée, mais elle laissait subsister un dépôt de matières non consumées entrainant un encrassement rapide, prohibitif dans un canon de calibre réduit. Dès lors, la réalisation d’une nouvelle réduction substantielle des calibres rejoignait celle de la mise au point de nouvelles poudres que les progrès de la chimie permettait de considérer comme prochaine.
L’invention de la poudre sans fumée
L’ancêtre des poudres modernes est le coton-poudre : « Dans les derniers mois de 1846, les journaux commencèrent à s’occuper d’une découverte des plus singulières. Un chimiste de Bâle avait, disait-on, trouvé le moyen de transformer le coton en une substance jouissant de toutes les propriétés de la poudre. On prêtait à cette substance nouvelle des propriétés merveilleuses […] elle brulait sans fumée, elle ne noircissait pas les armes, enfin elle avait une force de ressort trois ou quatre fois supérieure à celle de la poudre ordinaire »[7]. « En 1847, Schönbein vendit en Angleterre son brevet pour la fabrication du fulmicoton. Seulement, l’explosion de la fabrique qui était établie à Dartford mit fin à l’entreprise du cessionnaire du brevet »[8]. En France, des essais semblables sont abandonnés en 1852 à la suite d’accidents survenus à la poudrerie du Bouchet. Diverses tentatives menées, en particulier en Autriche par le général baron Lenk, pour modérer la vivacité de ce nouvel explosif, ne peuvent éviter que son usage ne produise des efforts excessifs sur les canons des armes, conduisant rapidement à leur déformation et souvent à leur éclatement. L’idée reste cependant bien ancrée que, comme l’écrivait en 1875 le « Spectateur Militaire », « la découverte destinée à révolutionner l’art de la guerre, la découverte qui donnera à la nation qui la première en fera usage une prépondérance invulnérable, c’est l’emploi du fulmi-coton, la ‘poudre sans fumée’ »[9]. L’utilisation militaire de la nitroglycérine, proposée par Nobel en 1854 comme explosif de mine, posait également des problèmes qui paraissaient insolubles. La difficulté n’était plus de disposer d’un explosif puissant, mais d’en maitriser la combustion dans un milieu confiné[10].
L’invention d’une poudre sans fumée répondant aux exigences d’une utilisation opérationnelle est un cas unique, pour l’époque considérée, d’innovation armurière résultant directement d’un protocole scientifique. Polytechnicien, ingénieur des poudres et salpêtres, Paul Vieille (1837-1904) était ce que l’on appelait un savant, tôt associé aux travaux des grands chimistes Berthelot et Sarrau. Sa découverte de la poudre sans fumée ne fut qu’une résultante de ses apports à la thermochimie. Développant un instrument qualifié de bombe calorimétrique, il est capable en 1881 de mesurer précisément l’évolution de la température et de la pression dans une substance en voie d’explosion[11]. Plutôt que de se limiter à considérer la composition chimique des poudres, il peut alors expliquer comment la vivacité de l’explosion du fulmi-coton tient à sa structure géométrique et concevoir le moyen de maitriser cette explosion en « gélatinisant » cette substance par dissolution dans un mélange d’éther et d’alcool : « la matière, mise sous forme de plaques minces, a une vitesse de combustion qui peut être réglée en modifiant l’épaisseur. Les premiers tirs au canon, en novembre 1884, de la matière, mise sous cette forme au laboratoire, donnèrent des résultats tels qu’il fut très vite décidé d’en entreprendre la fabrication ; celle-ci commença au début de 1885, à la poudrerie de Sevran-Livry. La fabrication de la nouvelle poudre, appelée d’abord poudre V, puis en 1886 poudre B, a pu rester secrète pendant quelques années »[12] .
Cette innovation comporte une valeur militaire considérable. On a vu que la réduction drastique de l’encrassement ouvrait la voie à une réduction des calibres. Si la nouvelle poudre délivre une énergie double ou triple de celle de la poudre noire pour une même masse, elle permet aussi d’atteindre une même vitesse initiale avec une pression maximale moindre parce que produite plus progressivement. Il nous reste à voir comment elle va intervenir dans le processus de renouvellement des armes de l’infanterie.
Boulanger bouscule le jeu
La multiplication des essais aurait bien pu conduire à un enlisement si le volontarisme d’un ministre n’était venu, sans doute prématurément, siffler la fin de la partie et imposer l’adoption d’un nouveau modèle. Le rythme des travaux s’accélère en effet en 1886, lorsque le général Boulanger, ministre de la Guerre depuis le 7 janvier, prescrit au général Tramond, président de la commission, « d’avoir à lui présenter un fusil à répétition, le 1er mai 1886 »[13].
Dès lors, relatera le général Challéat, sur la base des souvenirs du général Desaleux, les archives de l’Artillerie étant discrètes sur cette période, « la commission cherche aussitôt les moyens d’exécuter cet ordre. Le colonel Gras estime que l’on pourrait prendre le mécanisme à répétition du fusil modèle 1885, dont le calibre serait réduit à 8 mm […] La commission approuve cette proposition, décide que la fermeture sera à deux tenons symétriques (colonel Bonnet), et que l’on adoptera une poudre V susceptible de donner une vitesse initiale de 600 m/sec. Au moins. La balle, du poids de 15 grammes, sera celle définie par une mise au calibre de 8 mm de la balle de 11 mm modèle 1879-1883, et si possible, elle sera chemisée comme la balle suisse […] Le capitaine Desaleux établira le tracé de l’étui, de façon que la cartouche puisse satisfaire au désidératum du colonel Gras. Celui-ci fera, de son coté, réaliser par la Manufacture d’armes de Châtellerault, le nouveau fusil répondant au programme ci-dessus et qui sera ensuite essayé à Versailles et à Chalons. Ce programme s’accomplit point par point avec succès, et c’est ainsi qu’en profitant, aussitôt et à fond, d’expériences déjà faites avec la poudre V, on arriva à réaliser ce tour de force de présenter le nouveau fusil, dans le délai imposé par le ministre ».
Les délais étaient tenus, mais les inconvénients d’une décision précipitée devaient rapidement apparaître. Ils tiendront à deux choix complémentaires, imposés par la nécessité d’adopter des dispositifs existants : la conservation du dispositif de répétition Kropatschek, avec magasin de fût et auget transporteur, mis au point à Châtellerault sur les modèles d’essai 1884 et 1885, de préférence au système de magasin vertical étudié à Puteaux, ainsi que la pérennisation d’une cartouche d’essai, conservant le culot à bourrelet de la cartouche Gras.
Notons que la forme de la cartouche, qui constituera un sérieux handicap pour le développement de toutes les armes ultérieures, est tout à fait adaptée au système de répétition, faisant du Lebel une arme homogène. Son culot large, poursuivi d’une douille fortement tronconique, permet d’avoir une cartouche courte et compacte, augmentant la capacité du magasin tubulaire, dans lequel ces cartouches sont stockées en position inclinée, éliminant les risques de percussion accidentelle. La largeur du bourrelet assure un bon positionnement de la cartouche dans la chambre et un bon fonctionnement de l’éjecteur, sans exiger une précision extrême dans la fabrication des pièces. Bien que précipités, les choix de 1886 étaient cohérents. Ils assuraient l’homogénéité de l’arme, gage d’un bon fonctionnement qui sera apprécié tout au long de la vie opérationnelle du fusil Lebel, mais au prix d’un handicap certain sur la vitesse de tir.
Finalement, après quelques essais en corps de troupe, le nouveau fusil est adopté par note ministérielle du 22 avril 1887, sous le nom de modèle 1886. L’usage qui lui imposa rapidement la dénomination de fusil Lebel est d’autant plus surprenant que si le colonel Lebel, directeur de l’Ecole Normale de Tir, eut un rôle déterminant dans le tracé de la balle, la responsabilité du projet revenait plus au général Tramond, président de la commission, et au colonel Gras, alors inspecteur des manufactures d’armes, qui supervisa l’adaptation réussie du fusil 1884 aux données de cette nouvelle balle.
Au moment de son adoption, par ses qualités balistiques et sa vitesse de tir, le Lebel déclasse l’armement existant de toutes les infanteries étrangères.
La production du Lebel est l’occasion d’une rationalisation des méthodes et des équipements, avec un soin particulier porté à l’interchangeabilité des pièces entre les manufactures. Une mission, envoyée aux États-Unis en octobre 1886 « procéda à un achat important de machines dont 107 furent attribuées à Châtellerault »[14]. Résultat de cet effort, 2 880 000 Lebel devaient être produits entre 1887 et 1982[15], la fabrication atteignant 490 600 en 1889 !
Le Lebel devait connaître ses premiers engagements au combat lors d’opérations coloniales et de l’expédition dite des Boxers en Chine. L’opinion avait auparavant été marquée par l’incident de la Fourmies, où la manifestation ouvrière du 1er mai 1891 avait été réprimée au prix de neuf tués parmi les manifestants, donnant lieu à ce commentaire de L’Illustration, de nature à nourrir la réputation de puissance de la nouvelle arme de l’infanterie française[16] : « C’est le fusil Lebel qui vient d’entrer en scène pour la première fois […] Il ressort de ce nouveau fait à l’actif de la balle Lebel qu’elle peut très certainement traverser trois ou quatre personnes à la suite les uns des autres et les tuer».
La riposte allemande: du médiocre et du meilleur
Dans un pamphlet- alarmiste et belliciste- publié sous couvert de l’anonymat en 1890, l’historien Theodor Schieman proclamait : « Les Français ont un avantage exceptionnellement considérable sur nous : c’est que d’ores et déjà, leur infanterie toute entière est pourvue du fusil Lebel, arme de petit calibre, de tout point excellente»[17]. Il n’est donc pas surprenant que « lorsque la question des petits calibres vint à l’ordre du jour chez toutes les puissances européennes le gouvernement allemand chargea la commission d’expérience (Gewehr-Prüfungs-Kommission ou GPK)- d’étudier les conditions dans lesquelles on pourrait doter l’armée d’un fusil de petit calibre à tir rapide […] Une sous-commission, constituée en octobre 1887, approfondit la question et fit expérimenter, dans des tirs comparatifs réitérés, les diverses les armes des modèles les plus récents; puis, en octobre 1888, elle présentera à l’empereur ses conclusions en faveur d’un fusil de 7,9 mm, analogue au fusil Mannlicher. Le 6 novembre, le souverain donnait son approbation au modèle présenté et en décidait l’adoption pour toute l’armée »[18] : tels sont les termes dans lesquels la Revue Militaire de l’Etranger rendait compte, début 1890, de l’adoption du premier fusil allemand de petit calibre, le G88. Cette présentation courante du fusil 1888 comme le Kommissionsgewehr-le fusil de la commission est aujourd’hui contestée, même s’il demeure que « le nouveau modèle était un patchwork de diverses solutions individuelles et il était couramment critiqué pour son absence de solutions originales »[19]. En effet, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les conditions de conception du Mle1888 ne sont pas sans rappeler celles du Lebel. « Comme il n’y avait de modèle viable disponible et que avait d’urgence besoin d’une arme bonne pour le service de guerre [pour répondre au fusil français], il n’y avait pas d’autre choix que d’utiliser des composants existants [dont, en particulier] le mécanisme d’alimentation par chargeur de l’autrichien Ferdinand von Mannlicher, qui était déjà en service dans différents pays », la Manufacture de Spandau passant le 27 décembre 1888 un contrat de licence avec Mannlicher[20].
Si cette arme emprunte son système de magasin au Mannlicher, elle comporte deux innovations notoires, dont la première s’avèrera une fausse bonne idée et la seconde un progrès décisif. Passons rapidement sur l’impasse que constituait l’adoption d’un manchon métallique, supposé éviter au tireur de subir l’échauffement du canon, ce qui valut au G 88 le surnom de Mantelgewehr. En revanche la cartouche de 7,92, due à l’atelier de Spandau suivant une piste inaugurée par Rubin dans sa cartouche de 7,5 mm de 1885, comportait une forme remarquable : La douille, pratiquement cylindrique, ne comportait pas d’élargissement au collet, mais une gorge. Ainsi : « la griffe de l’extracteur vient prendre appui sur l’évidement ménagé autour de l’étui de la cartouche »[21]. De ce fait la cartouche, beaucoup moins encombrante dans un magasin ou un chargeur, ne comportait pas de protubérance saillante comme le bourrelet traditionnel susceptible de s’accrocher à la cartouche suivante ou à une autre pièce. Loin d’être une nouveauté, cette forme de douille avait été adoptée par Rubin sur une cartouche suisse en 1885. Elle aurait donc pu être retenue par la France en 1886. Fait peu connu, et preuve que des voisins peuvent n’être pas plus clairvoyants, les arsenaux anglais à la recherche de cartouches modernes avaient acheté des cartouches Rubin à gorge en calibre de 7,5 mm, avant de demander à l’arsenal de Thun de leur rajouter un bourrelet[22] !
Par ailleurs, la réduction du calibre était rendue possible par l’adoption d’une poudre sans fumée produite chez Rottweil par le chimiste Max Duttenhofer, la Rottweil Cellulose Pulver[23].
Le système de répétition Mannlicher était, comme son prédécesseur Kropatschek, d’origine autrichienne.
Ferdinand Mannlicher (1838-1911) avait proposé un système de répétition compact et robuste: « Le magasin, vertical, se compose d’un boitier qui fait saillie en avant du pontet. Les cartouches sont placées en colonne sur un chargeur de tôle. On introduit l’ensemble par-dessus, culasse ouverte »[24]. Si le prototype du fusil construit sur ce principe, en 1885, est antérieur au Lebel, le modèle adopté par l’armée autrichienne en 1886 conserve l’ancienne cartouche de 11 mm, d’où la nécessité d’un nouveau modèle, en 1888, pour réduire le calibre à 8 mm, lequel devra lui-même être modifié en 1891 quand l’Armée Impériale et Royale disposera enfin de munitions à poudre sans fumée. Il apparait néanmoins comme une solution alternative au système Kropatschek dont la vétusté est alors largement reconnue, bien que tardivement en France.
Aussitôt adopté, le G 88 est commandé en masse auprès des divers arsenaux et de l’entreprise de Ludwig Löwe, venue à l’armement par la fabrication de machines-outils, et qui signe là son entrée dans le cercle des principaux armuriers européens. Dès sa mise en service, le G 88 présentera différents défauts attestant de son adoption précipitée, ouvrant ainsi la voie au grand retour de Mauser.
Les défauts occultés du Lebel
Comme nous l’avons vu, la décision précipitée imposée par Boulanger avait conduit à retenir pour le Lebel deux dispositions dépassées et pénalisantes : le mécanisme de répétition Kropatschek avec réserve de cartouches sous le canon, dans le fût, et une cartouche à bourrelet à large culot, encombrante et peu compatible avec les mécanismes d’alimentation automatiques qui se profilaient à l’horizon. Arme excellente au point de vue balistique, le Lebel devait rapidement être dominé du fait de sa vitesse de tir insuffisante.
Les publications françaises vont masquer les handicaps du Lebel, allant parfois jusqu’à affirmer une supériorité bien contestable du fusil français. En juin 1893, l’ENT présente un « Rapport sur des expériences de tir et d’effet utile entre le fusil français Mèle1886 et le fusil allemand 1888 ». La supériorité du G 88 en termes de vitesse de tir est gommée en limitant à une minute la durée des épreuves comparatives. En ce temps en effet, le Lebel tire 17 coups, dont 10 disponibles (8 dans le chargeur, un dans le canon et un dans l’auget) et 7 cartouches rechargées individuellement, alors que le G 88, rechargé par 5 cartouches, tire environ 20 coups. Cette légère supériorité obtenue quand les armes fonctionnent parfaitement est cependant annulée, et même retournée, si l’on tient compte des incidents de tir, plus fréquents avec le G 88, car « la cartouche allemande étant cylindrique se colle dans la chambre sur toute sa longueur, ce qui n’est pas le cas de la cartouche française »[25]. A la suite d’une série de remarques de ce genre, le rapport conclut : « En définitive, on peut dire que dans les conditions normales du tir de guerre où les accidents de tir signalés ci-dessus se produiront certainement, le fusil français donnera des résultats supérieurs au fusil allemand, comme rapidité et comme effets utiles ».
Compréhensible à l’égard de l’extérieur, des utilisateurs et du public, cette protection du Lebel était plus contestable quand elle s’exerçait au sein de la communauté des décideurs militaires. On trouve ainsi cet exemple d’un rapport d’essais caviardé: Là où le rédacteur relevait que « la tension de trajectoire du fusil de 6mm Mannlicher est nettement supérieure à celle du fusil Mle 1886 jusqu’à 2000 mètres », l’annotation d’un supérieur indiquait en marge : « les propriétés balistiques ont été trouvées satisfaisantes jusqu’à 1600 mètres. L’arme n’a pas été expérimentée au-delà de cette distance »[26]. La publication tirée de ce rapport s’en tenait à noter les bonnes propriétés du Mannlicher comparé au fusil allemand G88[27].
Rares étaient les auteurs à exprimer publiquement leurs réserves, comme le colonel Ortus, alors commandant la brigade de Cochinchine, écrivant en 1891 dans le Journal des Sciences Militaires : « Le fusil mod. 1886, du fait de sa répétition, présente donc de très gros inconvénients à côté d’avantages bien faibles »[28]. En 1895, le même auteur dénonce avec vigueur la lenteur du tir du Lebel, résultat du choix d’un système de magasin complétement dépassé[29].
En 1898, le constat du capitaine de Pardieu n’est pas moins sévère : « Combien est regrettable la nécessité où l’on s’est trouvé ! combien il aurait mieux valu attendre pour adopter la répétition que l’on ait un système convenable ! Actuellement, presque toutes les armées européennes ont des systèmes permettant de tirer à répétition d’une façon continue jusqu’à épuisement des munitions. Nous sommes seuls à en être privés. De ce chef nous sommes dans une situation fort inférieure qui pourrait devenir dangereuse »[30]. Quinze ans plus tard, à la veille de la guerre, cette situation s’était encore dégradée du fait de l’amélioration des fusils allemands.
Par ailleurs, dans son ouvrage, Ortus relève un fait largement ignoré de la vaste historiographie du fusil Lebel. Le fusil 1885 de Châtellerault n’a pas été retenu comme base pour le Lebel parce qu’il aurait constitué la seule solution disponible, mais au terme d’un choix explicite, écartant le fusil à chargeur de Puteaux : « Si le ministère de la Guerre n’avait pas forcé la main à l’Ecole de Chalons, en faisant adopter les modèles 1884 et 1885 présentés par le général [sic] Gras, au lieu du chargeur de Puteaux, que l’infanterie était unanime à réclamer, il aurait été facile, en 1886, de créer un Lebel avec un magasin fixe analogue à celui de Puteaux »[31] . A défaut de sources explicites confirmant ce point, il nous semble probable que la remarque d’Ortus concerne le fusil d’essai ‘à boite chargeur’ [système Lee] de 1884, peu connu mais, nous dit le colonel Martin : « arme très intéressante. Son mécanisme de répétition est déjà très voisin de celui du fusil anglais Lee-Metford de 1889 »[32], avec un chargeur de 6 cartouches débordant nettement du pontet.
D’ores et déjà, le choix d’une arme courte pour la cavalerie avait d’ailleurs donné l’occasion d’acter ce constat.
Carabines et mousquetons: l’émergence du système Berthier
La cavalerie, mais aussi l’artillerie et certains corps techniques, étaient équipés d’armes plus courtes que les fusils qui dépassaient alors couramment 1,2 mètre, et 1,60 avec leur baïonnette. Depuis les années1860, plutôt que de concevoir les carabines comme des armes spéciales, on prit l’habitude d’adapter à cette fin des versions raccourcies des fusils standards. Ainsi, on dériva du Chassepot un mousqueton raccourci de 30 cm. Appliquée au Mauser 1871 et au G 88 comme au fusil Gras de 1874, cette solution montra ses limites lorsqu’on entreprit de l’appliquer au Lebel, le raccourcissement du fut réduisant la capacité du magasin à 6 cartouches, limitant d’autant les possibilités de tir à répétition.
Heureusement, l’initiative privée vint suppléer à cette difficulté, en la personne d’André Berthier, personnage longtemps mal identifié. C’est comme « chef de bureau à la Compagnie algérienne des chemins de fer de Bône-Guelma » qu’il était présenté par Challéat, et à sa suite par toute la littérature armurière pendant des décennies. Comme il a été établi plus récemment, ce chef de bureau est le même personnage que le « général Berthier-Pacha » à l’origine d’une famille d’armes automatiques entre 1900 et 1925[33]. Après son emploi au bureau parisien des chemins de fer algériens, André Virgile Paul Marie Berthier, qui était aussi officier de réserve, devient sous-directeur à la Société Française des Munitions, tout en servant à titre étranger dans l’armée ottomane à partir de juillet 1891 où il se voit attribuer le titre de général-pacha.
En 1887, André Berthier avait proposé un fusil à chargeur de type Mannlicher reprenant la cartouche et un certain nombre d’éléments du Mle1886. Cette proposition est refusée par la Section Technique de l’Artillerie, qui accepte cependant, sur l’insistance de l’inventeur, de faire fabriquer par des arsenaux une carabine, puis plusieurs spécimen d’armes Berthier. Des essais comparatifs, menés au Mont Valérien en décembre 1888, donnent des résultats éloquents : les prototypes Berthier tirent 26 coups en une minute 10 secondes, le Lebel seulement 21 coups en une minute 34 secondes. De plus, « l’ensemble du mécanisme de répétition est notablement plus simple que dans le fusil Mle 1886 »[34], constate un rapport d’essai de la Commission de Versailles du 4 janvier 1889. Malgré cette supériorité des armes Berthier, il est significatif que la carabine proposée par l’ENT, de fait un Lebel raccourci, fut écartée, le 28 février 1890, d’abord parce qu’elle dépassait le poids maximal de 3,6 kg, fixé par le général de Gallifet lui-même, son infériorité en termes de vitesse de tir n’étant invoquée qu’en second rang[35]. Dès lors, la cause est entendue en faveur des armes Berthier et l’on adopte successivement une carabine de cavalerie et une carabine de cuirassiers en 1890, une carabine de gendarmerie en 1892 et un mousqueton d’artillerie en 1892. On notera cependant que cette adoption n’ira pas sans un double réduction, rarement relevée, qui limitera durablement l’efficacité des armes de ce système. Alors que le modèle d’essai dit carabine n°2 comportait une longueur de 1,02 m et un chargeur de 4 cartouches, les carabines et mousquetons adoptées virent leur longueur réduite de 10 cm et leur chargeur limité à 3 cartouches[36]. En 1911, le colonel Leleu devait regretter cette réduction, accidentelle à ses yeux, car due à l’adoption sans essai comparatif, d’une carabine répondant aux besoins spécifiques des cuirassiers[37]. Compte tenu de l’emploi ultérieur de ces armes par des unités d’infanterie, on mesure combien cette réduction, non corrigée en 25 ans de production, s’est avérée inopportune !
Les fusils du système Berthier représentaient la meilleure solution dans la recherche d’un Lebel à chargeur qui inspirait de nombreux inventeurs. Les nombreux essais d’armes de ce type devaient se poursuivre jusqu’en 1893 au moins. Fait important, mais peu connu, la Commission de Versailles devait alors reconnaitre explicitement la supériorité d’un fusil dérivé de la carabine Berthier par la Manufacture de Saint-Etienne sur le Lebel de 1886: « L’arme proposée parait bien établie dans son ensemble et réalise des progrès très sérieux sur le fusil Mle1886 et la carabine de cavalerie Mle1890 ; mais elle ne donne pas au point de vue de son efficacité contre les crachements tous les résultats qu’on est en droit d’espérer d’une arme nouvelle »[38]. En effet, « au point de vue des crachements, le fusil proposé est supérieur au fusil Mle1886 non modifié, à la carabine de cavalerie Mle1890, mais il est inférieur au fusil Mle1886 modifié 1893 ». L’argument est bien étayé : « Le mécanisme de répétition semble bien établi pour son chargeur de 5 cartouches […] Il ne semble pas douteux que le fusil à chargeur, à peu près égal au fusil Mle1886 comme rapidité dans le cas de tir à répétition d’une minute n’obtienne la supériorité avec un tir plus prolongé ou dans le cas des magasins non chargés à l’avance […] Du point de vue de l’effet utile le fusil à chargeur parait avoir un léger [mot léger rajouté en incise] avantage. Il est moins lourd que le fusil Mle1886 et plus facile à mettre en joue, sa détente est meilleure et il est possible qu’il ait dû à ces deux causes une plus grande précision dans le tir rapide ».
A la lecture d’un tel argumentaire, on ne peut que s’étonner du déséquilibre entre les avantages constatés et l’argument retenu pour motiver la conclusion négative, qui devait plutôt être imposé a priori par la nécessité de ne pas perturber le rééquipement de l’armée en fusils Lebel. On se demande surtout si les avantages constatés sur la carabine 1890 n’auraient pas subsisté à l’égard des fusils 1902, 1907 et 1915, dérivés ultérieurement, et ne disposant qu’en 1916 de chargeurs à 5 cartouches. Il y possible que ces prototypes de Berthier-Saint-Etienne aient été oubliés au profit de simples improvisations mise en œuvre en réponse à des demandes ultérieures. En tout cas, on peut considérer que, dès 1893 et sous réserve d’ultimes améliorations de l’étanchéité de la culasse pour contrôler les fameux crachements, la France devait disposer d’un fusil aussi bon que le permettaient les contraintes tenant au tracé de la cartouche réglementaire.
1898: Mauser reprend l’avantage
S’étend trouvé évincé de l’élaboration du nouveau fusil, Paul Mauser, seul en charge de la firme familiale à la suite du décès de son frère Wilhelm en 1882, réagit très vite. Dès 1888, il met à l’essai un nouveau modèle M 88 comportant un magasin vertical comme celui de Mannlicher, mais modifié en vue de son alimentation par une lame chargeur non introduite[39]. Adapté au tir de la munition belge de 7,65 mm, redessinée sur le modèle de la cartouche allemande sans bourrelet, ce fusil est adopté en octobre 1889 de préférence à ses concurrents Nagant et Mannlicher et construit en série par les arsenaux d’Etat belges et la Fabrique Nationale d’Herstal, appelée à un grand avenir. Avec quelques modifications, en particulier un perfectionnement de la hausse, ce fusil est adopté par l’armée turque comme modèle 1890. Les commandes massives passées par la Turquie devaient assurer la prospérité industrielle et financière des Mauser, alors associés à Löwe.
L’Espagne, après avoir passé une commande limitée de Mle1889, adopte en décembre 1892 un modèle très amélioré. Tirant un projectile de 7 mm aux performances balistiques sans égal, cette arme fait rapidement place au modèle 1893, avec un magasin plus compact, dans lequel les cartouches sont disposées sur deux piles imbriquées en quinconce, dispositif qui sera imité par toutes les armes à répétition du XXe siècle. La Turquie demande alors que la commande en cours, de fusils Mle1890, soit reportée sur des armes au nouveau standard. En 1896, c’est au tour de la Suède de se rallier au Mauser, au calibre de 6,5mm, avec une culasse renforcée par un tenon de guidage.
Ainsi, tandis que le rééquipement de l’armée allemande s’effectue avec un matériel rapidement contesté, c’est en jouant sur des commandes extérieures que Mauser est en mesure de développer progressivement l’arme qui va s’imposer comme la meilleure de sa catégorie. Lorsque les insuffisances du G 88 apparaissent manifestes à la G.P.K. dès 1893, c’est tout naturellement vers ce nouveau Mauser que se tournent les autorités allemandes. Différents modèles d’essais, retenant plus ou moins d’éléments au G 88, apparaissent de 1895 à 1897. Finalement, devant les doutes sur l’efficacité d’une nouvelle réduction de calibre, un moment envisagée, mais aussi par mesure d’économie et de standardisation, on revient à la cartouche de 7,92 pour le modèle définitif, adopté le 5 avril 1898 comme Gewehr 98, ou G 98[40]. Il faut remarquer cependant que la relève du G88 par le G98 va s’effectuer très progressivement, sur plus d’une décennie. Von Einem, en 1903, devra arguer de l’incompatibilité du G88 avec la nouvelle balle S pour obtenir du Reichstag le principe d’un renouvellement complet avant 1909[41].
La littérature spécialisée presque unanime,- au vu de l’expérience de multiples conflits, dont deux guerres mondiales- devait considèrer le G 98 comme « une arme quasiment parfaite »[42]. En revanche, les commentateurs français de l’époque ne ménageaient pas leurs critiques : « De tout ce qui précède, il résulte que le fusil adopté par l’Allemagne en 1898 n’est ni une modification, ni une transformation du fusil 88. C’est une arme neuve, établie sur des principes différents, à la suite de certains courants d’idée qui ont prévalu et ont permis à la maison Mauser de prendre sa revanche d’une éclipse momentanée […] On s’est privé de la faculté d’augmenter la valeur balistique qui, après une période de 10 ans, reste la même qu’au début des armes de petit calibre. Le fusil 98, le jour même de son adoption, était donc inférieur, pour la tension de la trajectoire, à un certain nombre de fusils en service. Évidemment certains inconvénients du fusil allemand 88 disparaissent dans le nouveau modèle, mais cet avantage est acheté au prix de la dualité de l’armement de l’infanterie. En résumé, l’arme neuve jette le discrédit sur la précédente sans la supprimer et sans réaliser un pas décisif en avant »[43]. On peut aujourd’hui trouver ce commentaire bien peu lucide, à l’égard d’une arme qui, dans ses diverses versions, sera construite à 102 millions d’exemplaires, un record qui n’a été battu que par le Kalachnikov[44].
Vers une arme unique, le fusil court, un tournant manqué
En Allemagne, la pratique consistant à dériver des armes courtes, en particulier pour la cavalerie par raccourcissement du fusil d’infanterie s’applique à chaque génération avec successivement une carabine et un mousqueton Mle1871, une carabine et un mousqueton 1888, une Karabiner 98 en 1903. L’homogénéité du système d’armes d’épaule peut ainsi être maintenue, ce qui n’est pas toujours le cas en France. On observe de plus une tradition intéressante. L’armée française s’en tient à une dichotomie complète, l’infanterie restant attachée à la longueur de son fusil et la cavalerie voyant dans la stricte limitation de la longueur de ses carabines non seulement une précaution contre l’alourdissement et l’encombrement mais aussi une affirmation du caractère second du combat par le feu, opposé au combat par le choc, à la lance ou au sabre. Traditionnellement, les armées prussiennes utilisent, pour équiper leurs bataillons de chasseurs, des modèles de fusil raccourcis et allégés, intermédiaires entre les armes de l’infanterie et celles de la cavalerie. La Jägerbüchse–carabine de chasseurs- M.71 par exemple, mesure 10 cm de moins que le Mauser M.71 et ne pèse que 3,5 kg au lieu de 4,5. L’adoption du G 98 conduit d’abord à l’adoption de carabines K 98, puis, après modification, 98A. Toutefois, l’adoption de balles plus puissantes en 1903 se produit par un recul excessif dans une arme de 95 cm, dont 44 pour le canon. A la demande de la G.P.K., Mauser propose alors une version allongée, bientôt connue sous le nom de 98K. Longue de 108 cm, dont 59 cm de canon, cette arme réalise un excellent compromis entre puissance et maniabilité, et, après de minimes modifications, deviendra l’arme standard de l’infanterie allemande pendant la seconde guerre mondiale. La 98K répondait de plus à l’évolution tactique de la cavalerie allemande, accordant une place croissante au combat à pied, y compris avec usage de la baïonnette[45].
Par une voie différente, l’Angleterre puis les Etats-Unis vont aboutir à une arme semblable. En Angleterre, existait de tradition un corps d’infanterie montée, qui va se révéler très utile lors de la Guerre des Boers. Clairement, cette arme ne pouvait se contenter des courtes carabines de cavalerie, ni s’encombrer des longs fusils d’infanterie. Au lieu de concevoir une arme intermédiaire comme spécifique à l’infanterie montée, l’armée anglaise décide en décembre 1902 d’adopter un fusil court comme arme unique, commune à l’infanterie, l’infanterie montée, la cavalerie et les corps technique. Ce sera le SMLE- pour Short Magazine Lee Enfield– mesurant 1,14 m dont 0,64 de canon, appelé à rester en service jusque dans les années 1950. Aux Etats-Unis, l’expérience de la guerre contre l’Espagne ne conduit pas seulement à abandonner le système Krag pour le système Mauser, au prix de 200 000 dollars de royalties, mais aussi à adopter une arme unique de format intermédiaire, le Springfield Mle 1903, mesurant 109,5 cm dont 61 cm de canon. « Les expériences ont porté en particulier sur la possibilité d’adopter pour l’infanterie et la cavalerie une arme unique, en donnant à celle-ci une longueur intermédiaire entre celle du fusil et celle de la carabine. Après avoir expérimenté des armes de longueurs diverses, on s’est décidé pour un canon de 24 pouces (61cm) de longueur, plus court que le fusil d’infanterie (30 pouces, 76 cm) mais un peu plus long que celui de la carabine (22 pouces, 56 cm). La commission de la cavalerie et la commission de l’infanterie, consultées, se sont prononcées en faveur de ce compromis »[46].
En France, c’est l’équipement des troupes coloniales qui devait conduire, bien marginalement, à l’adoption d’une arme de longueur intermédiaire. En effet, c’est à la demande du gouverneur de l’Indochine, adressée au ministre de la Guerre, que le Comité Technique de l’Artillerie commande à Châtellerault deux modèles obtenus par allongement de la carabine de cavalerie Berthier, l’un de 1,02 m, l’autre de 1,12 m, avec un canon de 63,5 cm. C’est le second modèle qui est retenu comme fusil indochinois Mle1902 et produit à environ 15 000 exemplaires, plus 10 000 vendus à Schneider pour livraison à l’Iran[47].
Après une phase de mise au point, le fusil 1902 apportait à l’armée française, à moindre cout, l’arme intermédiaire dont le besoin était reconnu à l’étranger et que son armée ne recevra qu’au compte goute avant 1939. Dans son rapport du 15 mars 1904, l’ENT –Ecole Normale de Tir- devait estimer que la précision et le pouvoir perforant de la carabine 1902 était pratiquement inchangés par rapport au fusil 1886. En matière de précision, si le tir de la carabine s’avérait légèrement plus dispersé en hauteur, à 200 mètres, que celui du fusil Lebel, il l’était moins en largeur (de 4%)[48].
Certes, ni la cavalerie, ni l’infanterie métropolitaine ne percevaient le besoin d’une telle arme mais, relevait déjà le colonel Ortus en 1895, « on connait si bien, dans les troupes coloniales, l’importance de l’allègement du soldat blanc que, dans les colonnes qui se font chaque année au Soudan français, on a retiré aux soldats d’infanterie de marine le fusil Gras pour leur donner à la place le petit mousqueton d’artillerie Mle1874, qui pèse juste 3,3 kg, soit un kg de moins »[49]. L’argument du colonel Ortus ne s’appliquant vraisemblablement pas aux tirailleurs « indigènes », on devait revenir en 1907 pour le fusil colonial dit « de Tirailleurs Sénégalais » au format du Lebel. Les chefs de corps devaient se prononcer, sans succès, pour le rejet de cette arme. Parmi leurs griefs figurait « sa longueur excessive, gênante pour la marche en forêt »[50]. Plus étonnant, lorsque la fabrication en grand des armes Berthier fut reprise en 1916, personne semble- t-il, ne songea qu’une arme du gabarit du fusil 1902 répondait mieux aux exigences révélées par la guerre de tranchées que des fusils traditionnels- trop longs- ou des mousquetons- trop courts. En 1940 encore, la longueur du fusil 1905M16, le plus répandu dans l’infanterie français en était perçue comme un handicap, conduisant en particulier les corps francs à lui préférer le mousqueton Mle1892.
Malgré l’évolution observée en Angleterre et aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Allemagne, la grande majorité des spécialistes français devait rester attachée à la longueur du fusil[51]. Trois arguments étaient régulièrement évoqués en ce sens[52] : le plus traditionnel est la plus grande allonge, avantage pour le combat à la baïonnette. Vient ensuite l’avantage balistique constitué, pour une cartouche de puissance donnée, par le gain de vitesse initiale, donc de rasance, de pénétration et de précision, et la réduction du recul résultant d’un canon long. Cet argument est fondé : il est vrai qu’une arme de dimension intermédiaire représente un compromis où l’on doit sacrifier quelque peu les performances balistiques. Le troisième argument nous parait particulièrement dépassé pour l’époque : La longueur du fusil standard -125 à 130 cm hors baïonnette- est nécessaire pour le tir sur deux rangs. L’importance de cet argument ressort bien du programme élaboré en 1909 par la Commission supérieure des armes de petit calibre pour un nouveau fusil d’infanterie : « L’arme aura une longueur telle qu’on puisse la tirer sur deux rangs. Munie de sa baïonnette, elle ne devra pas être sensiblement plus courte que les armes actuellement en service »[53]. Il y avait alors dix-huit ans qu’un spécialiste autrichien avait écrit : « la condition de pouvoir tirer sur deux rangs n’aura plus raison d’être à l’avenir »[54] !
Ainsi, la question de la longueur du fusil illustre t’elle bien un cas où le conservatisme -d’ailleurs tactique plus que technique- prédomine sur ce que nous percevons, après l’expérience des faits, comme ayant dû relever du simple bon sens.
Réduction du calibre et automatisme: deux perspectives inabouties
Si la question d’un remplacement du Lebel peut se poser, au tournant du siècle, ce n’est certes pas dans la perspective d’adopter un Lebel à chargeur, équivalent du Mauser G98 allemand, ni même une arme raccourcie, comme le Springfield américain ou le SMLE britannique. Les regards sont alors tournés vers deux nouvelles innovations majeures : une nouvelle réduction radicale des calibres et l’adoption de systèmes de répétition automatiques. On a bien oublié aujourd’hui que le premier fusil automatique proposé par Hiram Maxim a été essayé en France les 8 et 11 novembre 1886[55], avant même l’adoption du Lebel et que l’Italie, en retenant en 1891 un Mannlicher-Carcanno de calibre 6,5mm semblait préfigurer un avenir proche.
Nous reviendrons plus tard sur l’histoire de ces tentatives, qui ne devaient pas aboutir avant des décennies. L’important pour notre propos est que la perspective d’un renouvellement complet de l’armement individuel qu’elles faisaient planer n’incitaient pas à s’engager dans une programme de perfectionner dont les enjeux n’apparaissaient pas décisifs.
Signe des qualités du Lebel, autant que d’un manque de perspicacité national, les armées étrangères ne devaient pas hésiter à s’engager dans cette voie : l’Allemagne, certes, en remplaçant les G88 par le G98, mais aussi l’Autriche-Hongrie en remplaçant le Mannlicher 1886 par un modèle 1895, les Etats-Unis, fourvoyés avec un fusil Krag-Jorgensen, en adoptant le Springfield 1903, le Royaume-Uni en remplaçant ses Martiny-Henry et Lee-Metford par les SMLE en 1902, au vu de l’expérience des combats d’Afrique du sud.
La relève du Lebel attendra … mais on produira des Mauser!
A l’approche de la guerre, la marge de manœuvre procurée par la fabrication massive des Lebel ne procure plus qu’un pourcentage de réserve limité. Ainsi qu’il ressort d’un rapport du 26 mai 1914, le nombre d’armes de portatives disponibles pour l’armée métropolitaine-2 665 000 fusils Mle1886 M.93 et 608 500 mousquetons et carabines 1890-92- ne permettait plus qu’une faible marge de réserves, de 215 000 fusils, mais avec un déficit de 24 000 mousquetons[56]. Indépendamment de la logique d’une relève qualitative, la nécessité se faisait jour de relancer la production d’armes individuelles, ce qui aurait pu amener à se poser, à froid, en dehors des exigences d’un conflit en cours, la question de produire pour l’armée métropolitaine des fusils, standards ou raccourcis, du système Berthier. Ce ne sera pourtant pas le cas.
Fait aussi étonnant que méconnu aujourd’hui, c’est en effet pour la production de fusils Mauser que les manufactures françaises sont invitées à s’équiper au printemps 1914. Il s’agit de satisfaire d’une part une commande de 180 000 fusils de 7mm pour la Serbie [la commande initialement prévue étant de 400 000] et, d’autre part, d’exécuter « une commande de même importance de fusils Mauser pour la Turquie (180 000) dont le modèle diffère peut-être par quelques détails [sic] du fusil Mauser serbe »[57]. Preuve que la réalisation de ce programme était engagée, on trouve dans les archives de la MAC le relevé des « machines-outils à acheter pour la fabrication du fusil serbe », établie en exécution de prescriptions du 11 mai 1914, soient 154 machines pour un montant total de 436 500 francs, investissement correspondant à la valeur d’environ 6000 fusils, alors que la MAC ne devait réaliser qu’un tiers du programme. Avec l’embauche de personnels supplémentaires, la fabrication devait s’effectuer en 1915 et 1916 au rythme de 300 Mauser serbes et autant de fusils turcs par jour, alors que la production pour l’armée française serait de 170 carabines et mousquetons Berthier par jour. Pour être bien compris, le général inspecteur signalait enfin : « le ministre TIENT [sic] à ce que les manufactures d’armes mettent tout en œuvre pour assurer l’exécution simultanée de ces 2 commandes et qu’on envisage, dans l’esprit le plus large, les extensions à donner aux moyens de production actuels pour arriver au résultat désiré ».
Et si:
En raison du rôle très particulier joué par le général Boulanger dans l’histoire du Lebel, le premier scénario contrefactuel qui vient à l’esprit conduit à s’interroger sur les caractéristiques du fusil auquel aurait abouti un processus moins précipité. Il ne faut pas oublier que deux facteurs poussaient à une décision rapide : l’occasion d’exploiter l’avantage constitué par la maitrise d’une poudre sans fumée, d’une part, et l’adoption par l’Allemagne, en 1884, d’un fusil à répétition, même très imparfait, le Mle 84. On aurait probablement évité l’erreur de conserver le système Kropatscheck, au profit du système Mannlicher ou, peut-être, d’un magasin Lee préconisé par Puteaux. Bien que les cartouches à gorge réalisées par Rubin dans les années1880 aient été connues, il est peu de raison de penser qu’on en aurait saisi l’intérêt, il est vrai limité dans une arme de système Mannlicher. Finalement, on aurait pu aboutir à des armes proches de celles proposées peu après par André Berthier.
En s’en tenant à des hypothèses contrefactuelles moins radicales, l’attention se porte sur les multiples occasions perdues de mieux exploiter les possibilités du système Berthier, sans bouleversement et dans des conditions plus favorables que l’urgence constatée en 1915.Alors que dans les années 30, on ne parviendra qu’à amorcer un renouvellement du stock de fusils hérités de 1918, avec des armes du niveau des Mauser 98K, SMLE britannique ou Springfield américain, le fusil 1902M16 aurait constitué un substitut très honorable aux 07/15 modifiés 1934 et premiers MAS36 qui tardaient à sortir. Il ne s’agissait certes pas d’en lancer la fabrication une fois adoptée la cartouche de 7,5 Mle1929 mais, à titre de transition, un programme de transformation des 1907/15 disponibles au standard 1902M16 aurait pu être mené rapidement et à un cout minime, assurant aux manufactures la charge de travail minimale qui leur manquait parfois. Toutefois, c’est d’abord en 1915, au moment de la relance d’une production massive d’armes d’épaule, qu’a été manquée l’occasion de doter l’armée française du fusil le meilleur compatible avec la cartouche réglementaire.
Notes et références
[1] Général Challéat, Histoire technique de l’Artillerie de terre en France, Tome II, p. 266.
[2] Les réalisations de la Manufacture de Châtellerault sont présentées dans l’ouvrage de C. Lombard, La Manufacture nationale d’armes de Châtellerault, histoire ‘une usine et inventaire descriptif de ses cent cinquante années de fabrication.
[3] Centre des Archives de l’Armement de Châtellerault-CAA, carton 33 3F1 3.
[4] Archives du CAA, carton 33 3F1 3. Sur ce point, comme plus généralement sur la genèse du Lebel, l’ouvrage de J. Huon et A. Barrellier apporte des informations très complètes.
[5] Première poudre sans fumée, que nous présenterons au paragraphe suivant.
[6] CAA, même carton. Ce rapport est signé du capitaine Desaleux, appelé à une carrière de premier plan pour le développement de l’armement français.
[7] Figuier, Les merveilles de la Science, p.275. Sur les travaux précurseurs, cf. Amiable, in Buchanan, Gunpowder, Explosives and the State, A Technical History, p. 343.
[8] Ibid., p. 280.
[9] Cité par J.Martin, Armes à feu de l’Armée française 1860 à 140, p. 318.
[10] Sur les difficultés rencontrées dans la recherche d’une poudre sans fumée de l’invention de Schönbein à Vieille et Nobel , la Revue Générale des Sciences a publié en 1904 un article d’un professeur à l’Université de Berlin, W. Will « Les progrès de la matière explosive », dont la lecture reste d’un grand intérêt, RGS, Tome 15, pp. 801-809.
[11] Louis Médard, L’œuvre scientifique de Paul Vieille, Revue d’Histoire des Sciences, 1994, pp. 392-395.
[12] Médard, art.cité, p. 402. Cf. aussi, parmi de multiples références Challéat, op. cité, pp. 20-215 ; Amiable, art. cit. p. 344-345, donne un calendrier de l’invention de diverses poudres sans fumées à l’étranger, en particulier deux formes de nitrocellulose gélatinisée par de la nitroglycérine la balistite, (Nobel, 1887-89) et la cordite (Abel et Dewar, 1890).
[13] Challéat, op. cit., p. 266
[14] Lombard, op. cité, p. 152.
[15] Huon et Barrellier, le fusil Lebel, p.110.
[16] N° du 9 mai 1891.
[17] Cf. Videant consules, traduc. Jaeglé, p. 34.
[18] RME, avril 1890, vol. 37, p. 258-259. Pour les Reichsarchiv , Archives du Reich écrivant après 1918, « c’est principalement grâce à la forte intervention du Chancelier prince Bismarck […] que l’armée, dès le début des années 1890, se trouvera en possession des nouvelles armes », Kriegsrüstung, p. 224.
[19] D. Storz, German Military Rifles, p.43.
[20] D. Storz, ibid.
[21] RME, ibid., p. 262.
[22] Cf. article -303-inch sur le site britmilammo.
[23] Cf. sur la poudre RCP, D. Storz, op. cité, pp. 17-23.
[24] Huon, Un siècle d’armement mondial, Tome 1, p. 208.
[25] Rapport cité, p. 4.
[26] Commission d’essais de Versailles, Rapport du capitaine Arthus, 7 octobre 1892, CAA 35 3F3 15.
[27] Revue d’Artillerie, tome 40, avril 1892, p. 344
[28] Cf. Lebel contre Mannlicher et Vetterli, Journal des Sciences Militaires, Tome 42, p. 207.
[29] In Le fusil de guerre, pp. 71, 99.
[30] Idées de progrès relatives au tir et à l’armement de l’infanterie, Lavauzelle, p. 35.
[31] Ortus, op.cit., p. 98. Voir en illustration ci-dessus un modèle d’adaptation de ce chargeur au fusil Gras.
[32] Cf. Armes à feu françaises, p. 306.
[33] Huon et Barrellier, Les carabines et les fusils Berthier, p.219, ouvrage de référence sur le système Berthier, et site berthierapvm.
[34] Cf. Rapport cité, CAA 35 3F3 13.
[35] Cf. Pierre Lorain, Un Lebel à chargeur, Gazette des Armes, vol. 9, Aout 1974, p. 10. Notons que les services de l’Artillerie seront saisis de multiples propositions de transformation du fusil 1886 en « Lebel à chargeur »,cf. CAA, carton 3F3 14.
[36] Challéat, Histoire technique, p. 269 ; Lombard, La Manufacture, p.32.
[37] Cf. Revue d’Artillerie, tome 79
[38] Essai d’un fusil de 8mm à chargeur provenant de la Manufacture d’armes de St Etienne, Note résumant la question posée par la Dépêche Ministérielle du 21 juin 1893 et faisant connaître l’avis de la Commission au sujet de la dite question, 7 septembre 1893, CAA 35 3F3 15.
[39] Dans une recension des brevets Mauser, publiée en hommage à Paul Mauser en 1908, Korn écrira que c’est à la mi-1888 que Mauser invente la lame chargeur, cf. Mauser Gewehre und Mauser Patente, p. 147.
[40] Louis Guilllou, Mauser, fusils et carabines militaires, p. 49.
[41] Cf. Reichsarchiv, Kriegsrüstung, p 226.
[42] Guillou, op. cit., p. 49 ;
[43]Capitaine Leleu in Revue d’Artillerie, 1900, vol. 57,. p. 258-159.
[44] Cf. M. Alladio, Les fusils Mauser, p. 21.
[45] Cf. par exemple, Storz, Kriegsbildund Rüstung, p. 27.
[46]Revue d’Artillerie, Tome 62, septembre 1903, p. 287.
[47] Cf., inter alia, J. Boudriot et alii, Armes à feu françaises, modèles réglementaires, pp. 52-55.
[48] Rapport du 15 mars 1904, SHD 4W520. L’expression ‘carabine’ suggère qu’il s’agit du modèle court, de 103 cm.
[49] Cf. Le fusil de guerre de l’avenir, p. 197.
[50] Cf. Lombard, La Manufacture, p. 188.
[51] Selon P. Lorain, « l’ENT préconisait en 1890 l’adoption d’une arme courte et légère unique pour le service de la cavalerie et de l’infanterie », in : Un Lebel à chargeur, ou la famille des armes Berthier, La Gazette des Armes, Aout 1974, p. 20.
[52] Cf. par exemple Ortus en 1895, op. cit, pp. 191-193.
[53]Revue d’Artillerie, Tome 75, mars 1910, p. 315.
[54] Capitaine Weigner, du Comité militaire austro-hongrois, cité in Revue d’Artillerie, Tome 40, septembre 1892, p. 346.
[55] Commission d’Essais de Versailles, Note sur un fusil et une mitrailleuse automatique présentés par Monsieur Maxim, CAA carton 35 3F3 11.
[56] Direction de l’Artillerie, note pour l’Etat-major de l’armée, SHD 9N33.
[57] Lettre du général de division Abaut, Inspecteur permanent des Fabrications de l’Artillerie au Directeur de la Manufacture d’armes de Saint-Etienne, 4 février 1914, CAA 232 2H2 2203.
Bravo pour cet article !
Les poilus de 1914 à 1918 qui m’ont raconté leur guerre semblent avoir trouvé le Lebel particulièrement précis.
Par contre, les soldats Allemands qui occupèrent notre pays de 1940 à la Libération ont eu l’occasion de tirer avec le MAS 36 et de trouver qu’il était considérablement supérieur en tous points au Mauser 98.
Par ailleurs, il me semble intéressant de noter que les troupes US en Afghanistan ont découvert des fusils Lebel chez les talibans !
Cela pose peut-être le problème d’une manière un peu différente : Au début de la Grande Guerre, les hommes manœuvrent en restant groupés, il faut donc tirer énormément de cartouche pour arrêter l’ennemi.
Depuis, il me semble que l’infanterie progresse de manière beaucoup moins compacte, ce qui favoriserait alors les fusils qui ont la meilleure précision.
Avant les guerres, on fait grand cas de la précision. Au combat, une petite minorité seulement de soldats est capable, techniquement et psychologiquement, de tirer parti de la précision de leur arme. Sans être un spécialiste, j’ai l’impression que la tactique moderne recourt à des tirs de saturation, où à nouveau la grande précision n’est pas la priorité. Cela dit, le rôle des tireurs d’élite a, de tout temps, été important, mais ce n’est pas lui qui faisait (fait?)la décision en période de crise.
J’ai toujours été impressionné par le fusil anglais Lee-Enfield 1895 et étonné qu’on ne l’ait pas copié/adopté avec une munition à gorge comme la 7,92 mauser ou la 30-06…