Une nouvelle vie pour le Gloster F.5/34: quand l’unnamed devient Guardian

Avec le Gloster F.5/34, la Grande-Bretagne disposait d’un autre chasseur de la classe du Hurricane, voir meilleur si l’on en croit les essais comparatifs rapportés par Greg Baughen[1]. Resté le chasseur sans nom –unnamed Fighter– en raison du désintérêt de la RAF, cet appareil devait devenir un incontournable des sites de jeux ou de simulation.

Nous trouvons ainsi le Gloster F.5/34-What Might Have Been en bonne place sur le blog warbirdtails.net, et l’appareil apparait parmi les chasseurs proposés aux adeptes du programme Flight Simulator. Le site sas1946.com reprend la proposition de le baptiser Guardian, désignation qui s’insère naturellement dans la lignée des  chasseurs Gloster :  Gebe, Gorcock, Gamecock, Gauntlett et Gladiator. On trouve également sur le Forum warthunder.com une discussion des potentialités de l’appareil et des scénarios dont il peut être le support privilégié. Drix relève par ailleurs l’occasion manquée qu’a constitué l’abandon de ce chasseur.

Le très large intérêt ainsi rencontré par le F.5/34 ne suffit toutefois pas à établir que cet appareil ait pu, ou du, être commandé à la place de son concurrent de Hawker. Il nous invite cependant à réexaminer la question à l’aune d’une méthodologie uchronique qui se veut plus soigneuse.

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Le Guardian en vol, source: site flightsimulator

Des Guardian pour la RAF

En ce qui concerne le sort de l’appareil en Grande Bretagne, le scénario historique OTL est a priori stable, en ce sens que le développement de la politique de l’Air Ministry ne laisse pas apparaitre ce moment d’hésitation qui ouvrirait l’occasion d’un point de bifurcation en faveur du Gloster.

C’est du côté industriel que nous placerons le point de bifurcation, où le destin du F.5/34 pouvait basculer: En 1934, Gloster n’est pas repris par Hawker, mais par une autre firme cherchant à renforcer son potentiel au moment où se profile une reprise des commandes de l’Air Ministry. Rétrospectivement, on verrait bien dans ce rôle English Electric, revenu plus tard à la construction aérienne. Il est vrai que l’hypothèse vient un peu tôt pour une entreprise qui est elle-même à ce moment en plein redressement. En tout état de cause, adossé à un nouveau partenaire industriel ou financier, la Gloster Aircraft Ltd est en mesure d’investir dans la construction du prototype F.5/34, en renforçant ses équipes pour assurer en parallèle la mise au point, puis la production du Gladiator. 

Un prédécesseur à remplacer sur les chaines, le Gladiator, source: wikipedia

Investissement stratégique pour le nouveau management, la construction du prototype F.5/34 est poussée activement, ce qui lui permet d’effectuer son premier vol le 28 février 1936, à peine une semaine avant le Spitfire, mais près de quatre mois après le Hurricane, qui débutait ce jour ses essais officiels à Martlesham Heath, le Villacoublay britannique. Cette avance, l’appréciation favorable des pilotes de la RAF et surtout le potentiel de développement présenté par son moteur Merlin désignait tout naturellement le Hurricane comme favori pour une première commande, tandis que ses performances supérieures imposaient le Spitfire comme prochain chasseur à retenir pour l’équipement de la RAF. Les perspectives du prototype de Gloster étaient-elles pour autant définitivement bouchées? Deux pistes demeuraient, qui pouvaient conduire à la production du Guardian : des commandes de la RAF et des débouchés à l’exportation.

L’usine Gloster de  Hucclecote vers 1935, source: Mason, Hawker Aircraft

En Angleterre même, Gloster pouvait faire valoir l’intérêt de substituer le Guardian au Gladiator sur sa chaine de production de Hucclecote, dans le Gloucestershire. On peut s’étonner aujourd’hui de voir que la production du biplan, honnête chasseur mais dépassé, ait été poursuivie jusqu’en 1939, avec un total de 747 exemplaires. Les derniers exemplaires étant livrés à la Norvège, apparemment avant que la RAF n’ait elle-même pris en compte son dernier lot, au début de 1940[2].

Pour la RAF cependant, la priorité résidait dans la sortie rapide du Gladiator, pour remplacer ses  Bulldog, Fury et autres Gauntlet totalement obsolètes, plutôt que de bénéficier dès 1938 d’un chasseur plus rapide. La situation changeait cependant avec la montée en régime de la production du Hurricane. Fait historique peu connu, Hawker n’avait pas alors seulement en commande 600 Hurricane, mais aussi 500 Henley et 400 Hotspur, à livrer avant aout 1938 pour les chasseurs et janvier 1939 pour les Henley[3]. Sensiblement plus rapide et plus maniable que le Fairey Battle conçu comme bombardier léger,  le Henley répondait beaucoup mieux aux exigences d’un avion d’attaque, pouvant bombarder en piqué. Le Hotspur, était pour sa part un proche dérivé du Henley, adapté comme chasseur à tourelle répondant aux mêmes missions que le Defiant. Ces deux appareils se partageaient non seulement les capacités de production de Hawker -et historiquement de Gloster- mais aussi la disponibilité de moteurs Merlin.

Comme on peut lire sur le site de BAE systems, « the history of the Henley has always been the source of a certain amount of speculation and mystery.  Questions were often raised about why the arguably much less capable Fairey Battle was selected to undertake certain duties when they would have been far better suited to the faster and more capable Henley : L’histoire du Henley a toujours été objet de spéculation et de mystère. On s’est souvent demandé pourquoi le Fairey Battle  a été choisi pour remplir des missions qui auraient beaucoup mieux convenu au Henley, plus rapide et plus efficace », appelé à rester « l’énigmatique bombardier en piqué de la RAF ‘that might have been’»[4].

Pour être assez simple, la réponse au mystère n’en est pas pour autant satisfaisante.  Dès 1933, l’Air Vice-Marshall Ludlow-Hewitt, commandant en second de la RAF, avait souhaité remplacé le programme P.27/32 dont dérivera le Battle par un programme d’avion plus léger et plus maniable qui deviendra le P.4/34, conduisant au Henley. L’Air Ministry refusera de le suivre en abandonnant le programme P.27/32 en cours, ce qui conduira à confirmer la commande du Battle, au détriment du Henley, dont les 200 exemplaires finalement réalisés furent utilisés comme remorqueurs de cibles. Cette tâche leur convenait bien mal car le refroidissement des moteurs Merlin, sollicités par l’effort de traction, alors que la vitesse réduite réduisait le rendement des radiateurs, chauffaient rapidement ce qui devait conduire au retrait anticipé des Henley.

Les Henley existants ne furent même pas mobilisés pour les divers essais de bombardement en piqué ou semi-piqué menés par la RAF en 1937-1938[5].

Le prototype du Hawker Henley, source: site baesystems

On voit ainsi se former une ramification importante du scénario contrefactuel, intervenant comme contrefactuel du second ordre[6]: Pour la RAF, limiter les commandes de Hurricane et de Battle, pour produire le Henley en grande série, était possible en reportant sur le Gloster Guardian une partie des commandes de chasseurs monoplaces. L’adoption d’un tel scénario supposait une prise de conscience de l’importance des missions d’attaque au profit de l’armée et des moyens les plus adaptés pour accomplir ces missions avec succès. G. Baughen décrit bien les biais intellectuels et les motivations corporatistes qui s’opposaient à une telle prise de conscience[7].

A la suite des Sea Gladiator, adoptés par la Fleet Air Arm, l’aviation embarquée britannique aurait aussi porté son intérêt sur un Sea Guardian.

Des chances à l’exportation

En dehors de l’Air Ministry, les débouchés pour un chasseur de la classe du Guardian existaient à l’étranger. On peut imaginer que la production du Hurricane étant réservée à la RAF, les commandes à l’exportation soient satisfaites par Gloster. En dehors même du Commonwealth, il n’y eut pas moins de cinq pays à passer avant 1939 des commandes de Hurricane dont bien peu furent honorées : la Belgique, la Yougoslavie, la Pologne, la Roumanie, la Turquie et la Perse, nom de l’Iran à l’époque[8]. De plus, nombre de clients étrangers du Gladiator auraient préféré acquérir des Guardian, si ces derniers avaient été disponibles avant-guerre.

Un Hurricane I Yougoslave, source: site laststandonzombieisland.com

Il est intéressant à cet égard de comparer le Gloster à quelques concurrents auxquels il pouvait être confronté à l’exportation. Le plus caractéristique de ces concurrents était peut-être le Fokker D.XXI, adopté non seulement par les Pays-Bas, mais aussi par le Danemark et la Finlande. Avec le même moteur, ce chasseur à train fixe ne dépassait pas les 460 km/h, soient 50 de moins que le Gloster.

En février 1939, la Pologne faisait voler le PZL P50 Jastrzab, également à Mercury de 840 cv, prototype décevant limité à 430 km/h.

Les débouchés potentiels à l’export ne manquaient donc pas, mais ils n’auraient probablement pas suffit à lancer la production. On voit donc se préciser un scénario contrefactuel cohérent, répondant aux conditions du moment comme aux objectifs de la Société et de l’Air Ministry : Le principe de substituer le Guardian à la production du Gladiator en 1938 étant admis, cette production serait destinée à la fois à la RAF et à l’exportation. La montée des tensions au printemps 1939 aurait conduit à différer certaines livraisons à l’étranger, la priorité allant à la Belgique et la Yougoslavie.

Premières victoires du Gloster Guardian dans le ciel polonais, source: site sas1946

 

Assuré d’un avenir pour son F.5/34, Gloster n’aurait pas manqué de se préoccuper des développements nécessaires pour maintenir la position de cet appareil parmi ses concurrents.

Quelle famille pour le Guardian ?

Historiquement, le désintérêt pour le F.5/34 allait conduire Henri Folland, directeur technique de Gloster, à se lancer dans une modification radicale de cet appareil, en affinant le fuselage tout en conservant les ailes. Dans notre scénario contrefactuel où l’appareil est assuré d’une fabrication en série, les développements de l’appareil devaient viser à améliorer ses performances en limitant au maximum les modifications structurelles couteuses sur le plan industriel. Comme il est usuel dans ce cas, c’est sur la recherche de moteurs plus performants, à la fois disponibles et compatibles avec la structure existante, que devait porter ce programme. Le fait que le Mercury soit en fin de développement imposait d’abord cette stratégie.

Il convient cependant de remarquer que, malgré les performances réalisées, le F.5/34 présentait des marges d’améliorations aérodynamiques : Son train, escamotable vers l’arrière et laissant dépasser les roues, pouvait être amélioré par un système de pivotement des roues leur permettant de se loger dans l’épaisseur de l’aile, comme sur le P36, en ne présentant plus de protubérance. Le type de collecteur d’échappement du F.5/34 était remplacé en 1938 par des dispositifs à moindre trainée et meilleur rendement. Il y avait là un potentiel significatif d’amélioration des performances, à puissance constante.

Comme l’indiquait la revue Flight dès juillet 1937, il était prévu de remotoriser le F.5/34 avec le Bristol Perseus. Moteur sans soupape, de même cylindrée et configuration que le Mercury, le Perseus apportait 65 cv supplémentaires  pour un encombrement équivalent et un poids majoré d’une trentaine de kilogs. On pouvait en attendre un gain de 12 km/h. Historiquement, le Perseus était produit en série relativement limitée, principalement pour le Skua.

On aurait aussi envisagé le Bristol Taurus, 14 cylindres plus compact donnant 1130 cv pour un diamètre de seulement 118 cm mais un poids de 590 kg, qui historiquement, était prévu pour le projet 35/35 d’un successeur du F.5/34. Ce gain de puissance, avec l’avantage aérodynamique d’un diamètre réduit, aurait été très favorable aux performances, qui auraient pu atteindre les 550 à 565 km/h selon l’étendue des perfectionnements aérodynamiques apportés. Toutefois, la mise au point de ce moteur compact, qui s’avérait difficile, fut sacrifiée à celle du Hercules plus prometteur, et le Taurus devait faire preuve sur les bombardiers-torpilleurs Beaufort, d’un défaut de fiabilité conduisant à le remplacer par des Pratt & Whitney.

L’adoption d’un moteur Hercules, dépassant les 1300cv dès 1937, constituait une piste plus prometteuse. Toutefois, son poids de 875 kg, était double des 437 kg du Mercury. Avec les différents renforcements nécessaires, comme l’augmentation de la capacité des réservoirs, on  mesure l’étendue des modifications à apporter, et donc du temps nécessaire. Approchant les performances du Typhoon en beaucoup plus léger, un tel appareil aurait fait sens. Nous manquons par trop d’éléments pour en préciser les caractéristiques, comme pour conjecturer la place qu’il aurait pu prendre dans les plans d’équipement de la RAF.

Dans la perspective d’exportations possibles, l’adoption de moteurs étrangers pouvait être prise en considération.

Les Gnome Rhône 14K ou N étaient construits en Yougoslavie et en Roumanie, où ils équipaient respectivement les Dornier 17 et PZL 24 produits sous licence. L’adaptation du Gnome Rhone pouvait se faire avec la collaboration du constructeur automobile Alvis qui voulait se lancer sur le marché des moteurs d’avion et avait adapté aux normes anglaises le 14N, rebaptisé Alvis Pelides Major[9], avant d’en être dissuadé par l’Air Ministry.

Le montage de ce moteur, d’un poids [620 kg] intermédiaire entre celui du Mercury [437] et celui du Hercules [875], aurait exigé une moindre modification de la cellule. Proche du Gnome Rhône en termes de poids et d’encombrement, le Pratt & Whitney R1830  pouvait être adapté dans les mêmes conditions. Avec certains marchés à l’exportation, en Suède par exemple, une variante ainsi motorisée aurait fait sens pour un projet de fabrication au Canada, à proximité de fournisseurs de moteurs et d’hélices, indépendant des ressources britanniques.

Toutefois, il faut être conscient que l’alourdissement accompagnant les gains de puissance ainsi obtenus ne se serait pas limité  au poids supplémentaire des moteurs. A côté de divers renforcement structurels, d’hélices à pas variable plus performantes, s’imposait la nécessité d’augmenter la capacité des réservoirs, limitée à 68 gallons [309 litres] sur le F.5/34[10]. Avec la consommation accrue de moteurs plus puissants, il fallait aussi envisager l’utilité d’une autonomie accrue, pour répondre à des tâches plus diversifiées que les seules missions d’interception envisagées à l’origine. De ce fait, un Guardian plus puissant aurait perdu en grande partie son avantage de poids sur le Hurricane, avec en conséquence une marge d’agilité réduite. Notons également que, contrairement à son compagnon d’infortune français Loire-Nieuport 161, le F.5/34, comme le Hurricane d’ailleurs, ne possédait pas une structure particulièrement adaptée à une construction en série selon les méthodes modernes.

Sans prétendre à une précision excessive, on peut indiquer pour les principales variantes envisagées les caractéristiques suivantes, sans développer ici les différentes versions possibles en matière d’armement ou de compresseurs :

-un Guardian III Pratt &Whitney de 900 ou 1050 cv à l’altitude de rétablissement atteindrait respectivement 515 ou 540 km/h, avec un poids de 2830 kg, et une charge alaire de 133 kg/m2, contre 154 kg/m2 pour le Bloch 152.

-un Guardian IV Hercules de 1590 cv atteindrait 625 km/h, avec un poids de 3200 kg et une charge alaire de 150 kg/m2, contre 178 au minimum pour le FW 190.

Parmi les appareils de la classe du F.5/34, avec le même handicap initial de motorisation, un autre chasseur se détachait par ses qualités : Le Macchi C200 Saetta dépassait les 500 avec un moteur FIAT de  870 cv à 2300 mètres avec d’excellentes qualités de vol. Son histoire suggère une autre piste pour un développement uhcronique du Guardian. Devenu Macchi 202 Folgore par l’adoption d’un Daimler-Benz en ligne, construit sous licence par Alfa-Romeo, il atteignait 585 km/h tout en conservant une excellente maniabilité[11]. On peut concevoir qu’un Gloster Guardian ainsi transformé aurait rattrapé les performances du Spitfire, à même version du moteur Merlin[12].

Résultat de l’adaptation d’un moteur en ligne sur un chasseur de la classe du F.5/34, le Macchi 220 Folgore, source: site fandavions.free

Parmi les évocations uchroniques, on trouve également relevé la possibilité d’adapter le chasseur Gloster à un emploi sur porte-avions, comme le suggère le précédent du Sea Gladiator. Compte tenu de sa maniabilité, de la bonne visibilité offerte au pilote, de la robustesse de son moteur, le Guardian était un bon candidat au rôle de chasseur embarqué et on peut imaginer l’impact qu’auraient eu la quarantaine  d’exemplaires qu’aurait pu déployer la Fleet Air Arm dans le ciel de Norvège.

Sans approfondir ce scénario, on doit remarquer toutefois que le choix du Skua complété par le Roc à tourelle, comme chasseur principal de la Fleet Air Arm, ne répondait pas à une mauvaise évaluation des qualités relatives des appareils envisageables, mais bien d’une considération tactique fermement ancrée chez les aviateurs de la Navy, selon laquelle la chasse en mer exigeait un appareil biplace, essentiellement par ce que les équipements disponibles nécessitaient la présence d’un radio-navigateur, investi éventuellement d’un rôle supplémentaire de mitrailleur.

Un destin français pour le Gardian ?

En octobre 1937, comment se présente en France la situation des chasseurs à moteurs en étoile ?

Le Loire 250 est abandonné, le Bloch MB150 a certes volé le 4 mai, mais ses essais non satisfaisants ont imposé une reprise complète de l’appareil qui, redésigné Bloch 150M reprend ses essais le 29 septembre, au cours desquels, après montage d’un nouveau moteur, une vitesse de 434 km/h est atteinte.[13]

Historiquement, Détroyat essaye le Bloch 150M le 6 décembre 1937: Dans un scénario contrefactuel de concertation franco-britannique plus poussée, on peut fort bien imaginer que le célèbre pilote ait volé en octobre sur le Gloster F.5/34, comme il devait le faire au printemps 1938 sur Curtiss P36 ! Suite à son rapport favorable sur les performances et les qualités de vol, une mission technique va étudier les possibilités de livraison de Guardian par Gloster, mais aussi le dossier de fabrication sous licence et les études d’adaptation de nouveaux moteurs. Un projet de  Gardian G avec moteur Gnome Rhône et de Gardian P avec moteur Pratt &Whitney est examiné en décembre.

Un Gardian II, à moteur Pratt & Whitney, pour l’Armée de l’Air?: source MH

Quel aurait été le résultat de cet examen ?

L’hypothèse d’achat direct en Grande-Bretagne de Guardian à moteurs Mercury n’aurait certes pu concerner qu’un nombre d’exemplaires limité par la cadence de fabrication outre-Manche au regard des besoins de la RAF: à tout le moins, cette solution aurait mieux valu que la commande de 50 Koolhoven FK58 pour les colonies, qui s’est avérée un échec complet !

Par prudence, le ministère aurait pu garder ouverte les options respective d’un Bloch 150 sérieusement amélioré et d’un ‘Gardian’ francisé, avec la commande d’un prototype à moteur Pratt recevant, pour gagner du temps, un GMP, ensemble moteur-capot-hélice, de P36. Par rapport au P36, un tel Gardian aurait probablement tourné moins court que le Curtiss et disposé d’une autonomie moindre, mais il aurait été plus rapide et mieux armé.

Sans nous prononcer sur les arbitrages qui auraient pu intervenir, on peut reconnaître qu’un Gloster Gardian, dans le cas où il aurait été adopté en Angleterre, pouvait figurer au menu des choix proposés à l’aviation française.

Et si…

Sans doute conviendra-t-on que la construction du Gloster Guardian n’aurait pas changé la face de la guerre. Cela est moins sûr pour des pilotes équipés de Guardian IV Hercules au lieu de Hurricane IV pour attaquer les objectifs noballs –rampes de lancement de V1- au printemps 1944, ou des polonais affrontant en septembre 1939 les Messerschmitt avec des Guardian I au lieu de leurs PZL 11. Plus improbable sans doute, mais non moins significative, on peut imaginer la contribution des Gardian à la campagne de France.

De plus, certains effets dérivés, contrefactuels du second ordre, auraient pu peser, comme le déblocage, sur le plan industriel, des possibilités de production du Henley. Peut-être aussi, Sydney Camm, voyant son Hurricane délaissé, aurait-il tiré parti de cet échec et repensé la conception de leurs successeurs Tornado et Typhoon, pour affronter le concurrent développé chez Gloster par Henry Folland, soucieux de tirer parti des potentialités de son Guardian.

Peut-être aussi en France, au-delà d’une éventuelle commande d’ampleur forcément limitée,  le programme de développement de la famille des Bloch 150 s’en serait trouvé stimulé.

Peut-être…, ou peut-être l’inertie des intérêts et de la bureaucratie aurait limité cette histoire à la fabrication de quelques centaines d’appareils, restant secondaires dans l’équipement de la Royal Air Force et de quelques alliés, et finalement considérée comme une inutile dispersion de l’effort de guerre…

Notes et références

[1] Cf. The RAF in the Battle of France and the Battle of Britain, A Reappraisial of Army and Air Policy, p.80.

[2] W. Green, War Planes of the Second WW, Fighters, volume Two, p. 48.

[3] Baughen, The Rise of the Bomber, p.176 .

[4] O. Thetford, Aircrafts of the Royal Air Force since 1918 ; Peter Smith, Dive Bomber ! An Illustrated History, p. 51.

[5] Smith, op. cité, p. 59-61.

[6] Sur cette notion, se reporter à notre article méthodologique

[7] Cf. Greg Baughen, The Fairey Battle-A Reassessment of its RAF Carreer.

[8] Francis Mason, Hawker Aircraft, pp. 49, 258.

[9] Cf. revue Flight, July I 1937, p. 18.

[10] James Derek, Gloster Aircraft Company, p. 230.

[11] Erik Pilawskii, Fighter Aircraft Performance of WW 2, pp. 127,129.

[12] On peut ici évoquer également le cas du P40, qui gagnait près de 70 km/h avec un moteur Allison en ligne, de puissance sensiblement équivalente au Pratt & Whitney initial.

[13] S. Joanne, Le Bloch MB 152,p. 32.

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