« Patrick, vous ne pouvez pas me faire cela… » : Cette phrase clé est au cœur de l’ouvrage de fiction « Un diner à Bordeaux » qui, en ce mois de Janvier 2019, talonne « Sérotonine », le nouveau roman de Michel Houellebecq, au palmarès des meilleures ventes. C’est en effet par cette confidence que le président Juppé reconnait combien il est passé près d’une erreur qui aurait bien pu lui couter son élection à l’Elysée. Lors d’un diner à Bordeaux, au printemps 2013, il avait d’abord laissé Patrick Stéfanini[1] dans l’incertitude sur ses intentions, avant de comprendre qu’il le laissait ainsi libre de rouler pour un autre candidat. Heureusement, à l’heure du café, un sursaut de lucidité lui avait arraché ce cri du cœur, qui devait tout changer. Comme sa courte victoire sur François Fillon au second tour de la primaire de la droite, le 27 novembre 2016, devait le montrer, Juppé n’aurait jamais pu gagner sans l’amicale insistance de Stéfanini pour le convaincre qu’une campagne de primaire doit d’abord viser à gagner la majorité de son camp, ni sans son efficacité dans l’organisation de sa campagne. Au-delà du succès de librairie, « Un diner à Bordeaux » devient une pièce incontournable des analyses qui s’interrogent sur l’origine du décrochage du quinquennat du président Macron, au moyen de scénarios alternatifs explorant les possibilités d’une politique de réformes dans la France d’aujourd’hui.
Il ne s’agit pas ici de filer cette uchronie politique, doublée d’une uchronie littéraire, exercice dont nous serions bien incapable. Il s’agit seulement de suggérer comment un récit contrefactuel peut être mobilisé pour nourrir la réflexion politique ou historique. Continuer la lecture