De tous les griefs adressés par l’Armée de Terre à l’Armée de l’Air au terme de l’étrange défaite, le plus sévère concerne le refus persistant opposé à la création d’une aviation d’Artillerie autonome : « Les dirigeants du Ministère de l’Air prétendent qu’il nous aurait été impossible d’employer [de petits avions d’observation pour des réglages d’artillerie]. Les Allemands ont fait la preuve qu’on pouvait les employer à condition d’avoir la maitrise de l’air. La seule conclusion qu’on puisse tirer de la bataille de Mai-Juin 1940 c’est que depuis 1918 la situation avait été renversée au profit de l’Allemagne et cela grâce à l’impéritie du Ministère de l’Air »[1]: ces propos tenus par Abel Verdurand, cadre d’Air France et colonel de réserve dans l’Armée de l’Air, entendu lors de l’instruction du Procès de Riom, en janvier 1941, constituent l’expression d’un ressentiment profond, largement partagé parmi les responsables de l’artillerie française.
L’organisation de l’aviation d’observation au profit des forces terrestres, en particulier pour les missions d’artillerie avait en effet fait l’objet d’un affrontement, véritable guerre des boutons, entre l’état-major de l’Armée et l’Armée de l’Air. Usant d’arguments de valeur inégale, mais surtout d’inertie, l’Armée de l’Air devait gagner ce combat fratricide, dont l’adversaire de 1940 s’est trouvé finalement le principal bénéficiaire.