« Il nous a fallu sortir de l’artisanat qui caractérisait l’industrie aéronautique française dans le passé pour en arriver en quelque sorte à une industrialisation de cette industrie» déclarait le ministre Guy La Chambre lors d’une visite à Méaulte le 27 juillet 1938[1]. A cette date pourtant, la sortie évoquée par le ministre était loin d’être réalisée. Il ne s’agissait pas en effet de rejoindre un niveau d’industrialisation donné mais bien de s’inscrire dans un processus de révolution des techniques et méthodes de fabrication constitutive d’une révolution industrielle qui, partie des États-Unis, allait modifier profondément le visage de cette industrie avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Malgré l’étroitesse des marchés[2], l’adoption de la construction métallique allait ouvrir la voie à des méthodes issues de l’industrie automobile, elle-même en voie de conversion vers les procédés de production de masse. Lorsqu’on veut évaluer l’importance des défis à relever pour adapter l’industrie aéronautique française aux exigences du réarmement face à la menace hitlérienne, il nous parait nécessaire de revisiter la révolution industrielle qui a affecté cette industrie dans les années 1935-1940. Bien oubliés aujourd’hui, les rapports d’auteurs aussi variés qu’Amaury de La Grange, Albert Métral, Jean Monnet ou l’ingénieur général Champsaur témoignent des efforts français pour prendre appui sur les réalisations américaines. On relèvera au passage la contribution essentielle à cette révolution d’un ingénieur français, vivant aux États-Unis, Henry Guérin.